• Charmes d'un Iran déconcertant

     


    Musique bakhtiarie

    L'Iran surprend et ne peut laisser indifférent. Elle vous envoûte ou peut vous mettre mal à l'aise. C'est le genre de destination qui vous initie au voyage, "celui qui vous fait ou vous défait". Un pays que l'on ne peut appréhender avant le départ : il faut se laisser guider par ses habitants, se laisser raconter son histoire plusieurs fois millénaires, sa soif de savoir insatiable, sa ferveur religieuse déconcertante, sa politique démente, sa jeunesse récalcitrante au régime et craignant le futur... la modernité et la richesse des grandes villes, le mode de vie ancestral et la pauvreté des nomades, son humanisme à travers sa tradition d'accueil et son ouverture d'esprit, la condition des femmes (ségrégation et interdictions...). L'Iran est multiple : sa diversité est incroyable, ses paradoxes déroutants...  

    Lieu Saint de Mashad, pélerinage national et international

    La liste pourait être longue. Nos pérégrinations à travers les grandes villes du pays nous ont permis de rencontrer de multiples personnes. Toutes, quelque soit leurs idéologies nous ont reservé un accueil exceptionnel, presque gênant parfois. Il nous est impossible de les remercier à leur juste valeur.

    A Machhad, nos premiers jours avec l'Iran auront été résolument marqué par la ferveur religieuse de cette ville sainte.

    Préparation d'une recette traditionnelle fraîche et bienvenue : yahourt, herbes aromatiques, ail, concombre, raisins secs et noix, le tout soupoudré de pain sec

    Ateliers de tapis à Mashhad, dont certains en soie sont splendides

    A Isfahan, la foi nous surpendra encore mais c'est aussi une ville au patrimoine grandiose et extrêmement riche que nous découvrons. 


    Isfahan, Mosquée du vendredi. L'appel à la prière, diffusé également dans tous les lieux publics, est un moment captivant où se concentre la ferveur religieuse d'un pays théocratique. Quelques soient ses croyances, difficile de ne pas apprécier la beauté du chant, malgré la mauvaise qualité de son diffusé par les hauts parleurs.


    Le mot "paradis" tire son origine de l'ancien persan "paira-daeza", signifiant espace clos et faisant référence au jardin. Modèle très ancien, le jardin perse constitue un véritable hâvre de paix où verdure et eau permettent un ressourcement pour l'esprit. A Isfahan, l'ambiance reposante du "jardin aux fleurs" est exaltée par la radio qui diffuse une musique délicate.


    Sur la place de l'Imam, à Isfahan, la coupole de la Mosquée du Shah Abbas s'élève à 36 mètres. Accompagné d'un ami iranien, nous testons l'écho de l'imposant édifice.

    A Isfahan, nous faisons la connaissance d'un jeune homme qui nous joue de la musique au santur, instrument traditionnel iranien à l'origine du piano. Vêtu d'un jean slim et d'un T-shirt moulant, cheveux soigneusement décoiffé, il rejette radicalement l'Iran contemporaine et nous confie à voix basse qu'il déteste l'Islam. Sur son ordinateur portable défilent des clips à "l'occidentale" où de jeunes filles en maillot de bain se trémoussent. Mal-être d'une jeunesse qui cherche à s'échapper de l'austérité du régime actuel.   

    Place de l'Imam à Isfahan, la chaleur y est difficilement supportable en journée et la place se remplit dès le soir pour des pique-niques de part et d'autres des bassins... ambiance exceptionnelle!

    Petite pause gourmande dans une chaikhane* (Isfahan). Normalement les femmes ne fument pas la chicha, mais l'endroit est bien planqué!

    A Shiraz, nous decouvrons l'Iran telle que l'on ne nous la raconte pas dans nos médias : un peuple cultivé et ouvert sur le monde, qui montre une passion admirable pour la poésie, un peuple qui souffre et qui a soif de changements et d'ouverture au monde, un héritage culturel multi millénaire...


    Promenade dans le bazar de Vakil, à Shiraz.
    En Iran, les bazars demeurent une institution économique. Places marchandes de premier ordre, ils sont également très souvent de véritables chefs d'oeuvre architecturaux, labyrinthes sans fin, totalement couverts et bénéficiant d'une fraîcheur relative très appréciable.   


    Ambiance urbaine dans une rue de Shiraz.
    En Iran, les villes sont saturées par le trafic automobile. Si les Iraniens font preuve d'un accueil exceptionnel, sur la route c'est l'inverse qui s'applique. Chacun pour soi et prudence extrême pour les piétons : traverser une rue est une épreuve physique et psychologique!

    Le tombeau de Hafez où aiment se recontrer toutes les générations, passer du bon temps en se remémorant les vers de ce célèbre poète, qui a fortement influencé la culture iranienne.
    Voici comment plusieurs des iraniens que nous avons rencontrés, trouvent leur inspiration pour résoudre leurs problèmes. Prendre un receuil de poèmes de Hafez, l'ouvrir au hasard et lire la page correspondante... Vos tracasseries prendront alors une tournure beaucoup plus légère.

    A Teheran, une mégalopole foisonnante, la propagande d'un regime qui répand un discours belliqueux : incitations à la violence pour la libération de la Palestine, images de guerre, hommages aux soldats morts au combat...


    Les montagnes au-dessus de Teheran sont parcourues été comme hiver par les téhéranais, à pied ou en ski (une station de sport d'hiver occupe les plus hauts sommets). Une façon de prendre l'air mais aussi un lieu de liberté où jeunes et moins jeunes se retrouvent, femmes et hommes, et se permettent des comportements vestimentaires et moraux inenvisageables en ville. Au fond d'un vallon, nous avons croisé un vieil homme jouant du kamanche et donnant au lieu une atmosphère particulièrement attachante.

    A Tabriz, plus qu'ailleurs, on nous accoste de nombreuses fois dans la rue, juste pour discuter, pour nous souhaiter la bienvenue et en savoir un peu plus sur ces touristes qui osent venir en Iran...

    La republique islamique est d'une morosité incroyable. Comme nous l'a dit un de nos hôtes : "ce qui peut rendre heureux est interdit!" La musique profane, les concerts, une femme qui chante, flirter, avoir une petite copine, boire de l'alcool entre amis… Mais tout ça n'est que façade. En privé et de manière très habile, tous ces interdits sont contournés. Les jeunes ont des "girlfriends" comme on dit ici, on fait soit même son alcool et on le déguste avec beaucoup de savoir vivre entre amis (c'est du vécu et du très apprecié), on écoute de la musique pop du monde entier, on contourne les filtres sur internet…   

    Fabien

      

    Nomadisme au pays des Bakhtiaris 

      

    Amid nous lance plusieurs fois qu'il est triste que l'on se quitte. Ce soir, entre deux jours saints, il y aura beaucoup d'invités chez eux et il aurait aimé qu'on en fasse parti. Evidemment on aurait aussi aimé... mais la montagne nous appelle, car depuis presque deux semaines nous n'avons pas lâché les sandales. C'est parti pour rejoindre le village de Chelgerd, dans les Monts Zagros.

     

    Nous avons le contact d'un prof d'anglais qui propose des tours en montagne en été. On a choisi cette option pour la première fois, d'une part parce que la région est une des plus reculée du pays, et d'autre part parce qu'on s'aperçoit que la communication est très vite limitée. Contrairement à l'Asie Centrale où notre russe de débutant nous permettait largement de nous débrouiller seul, nous avons été moins rigoureux pour le Farsi (persan moderne), et même le guide de converstation acheté à Mashad n'est pas suffisant pour se faire comprendre.

    Habib nous aidera donc à comprendre un peu mieux les Bakhtiaris, peuple nomade de la région qui transhume depuis le Khouzistan, à la frontière avec l' Irak. Habib est un enfant du pays. Il a grandi dans ces montagnes et faisait lui aussi la transhumance estivale pour amener les troupeaux de chèvres vers les pâturages d'altitude. Il nous raconte la vie difficile des nomades, les attaques d'animaux sauvages, mais surtout les vols. Nous demandons confirmation, intrigues... En fait cela nous rappelle un livre que nous avons lu " L'usage du Monde" de Nicolas Bouvier. Il parlait de cette region et de ses voleurs. Même 30 ans apres, le fusil constitue l'outil le plus important du nomade, nous explique Habib, pour la sécurité de la famille.

     

    Nous ne sommes pas les seuls à avoir contacté ce guide. Nous nous joignons à un groupe de joyeux iraniens pour ces deux jours de randonnée. Le départ prevu à 6h pour éviter les grosses chaleurs se transforme en un départ à 7h30. Ils ont roulé toute la nuit, se sont perdus, et ont besoin d'une petite heure de sommeil avant de marcher. L'équipe est sur le départ. L'ambiance est à la rigolade et la détente. Ils me mettent tout de suite à l'aise et me proposent même d'enlever le voile si ça me gène, car eux sont contre ce principe "obligatoire".

     

    Ci-contre, Amin, compagnon de route pour cette virée en montagne, griffonne sur notre carnet un petit cours de géographie. 

     

     

    Les 5 hommes, entre 30 et 40 ans, travaillent pour une compagnie pétrolière dans le Sud Ouest de l'Iran, dans la province du Khouzestan. Ils sont employés par le gouvernement dans la même région d'où proviennent les nomades. D'ailleurs, deux d'entre eux sont eux-mêmes Bakhtiaris. C'est comme ça qu'ils nous expliquent, eux aussi, les coutumes et les traditions locales. Rapidement sur la montée, nous croisons des campements.

     

    Un muret en pierre sur lequel est fixée une toile, surélevée au centre par des bâtons, constitue le lieu de vie des bakhtiaris pendant près de quatre mois. Peu de fioritures à l'interieur. De simples valises en fer et des tapis. A l'extérieur, un foyer alimenté par du bois cherché dans la vallée constitue la cuisine sommaire.

      

    On nous explique que le trépied en bois sous lequel pend une peau de chèvre sert de séparateur entre le lait et le beurre. Nous ne nous arrêtons pas tout de suite, car l'ascenssion du Mont Jaune à 4050 metres d'altitude nous attend. Nous aurons l'occasion d'en savoir plus le soir même, car nous dormirons juste à côté de camps nomades dans un autre vallon.

     

    Les pauses au bord du cours d'eau sont un réel plaisir. Malgré l'altitude, le soleil pique la peau. Le petit dejeuner est constitué de pain plat (un style de crêpe) et de fromage frais. Nous croisons des troupeaux de chèvres a poil long.

     

    Les enfants gardent les troupeaux de chèvres.

     

    Ils sont repérables de loin car les meneuses portent des cloches dont les sonorités nous sont bien familières. Les vaches ne seraient pas adaptées à ce climat, et mis a part les quelques troupeaux de moutons croisés au départ, seules les chèvres semblent peupler la montagne. Certaines ont la tête teintée au hennée ce qui leur donne une drôle d'allure rouquine. D'autres ont les mamelles protegées avec un bout de tissus, pour éviter qu'elles ne se blessent sur les rochers calcaires abrasifs, et aussi pour éviter aux jeunes de têter. Car le lait de chèvre est précieux et constitue la base du régime alimentaire des familles. Yahourt, fromages lactiques plus ou moins frais, fromage issu du petit lait très acide (marron!), beurre, huile de beurre...

      

    Produit laitier nommé ghara, au gout citronné. Obtenu après séparation de la crème et du lait. Le lait est chauffé et égoutter. Le liquide récupéré est à son tour chauffé et donne le ghara. Chacun des produits obtenus tout au long de ce processus est valorisé pour la consommation humaine.  

      

    Les femmes travaillent sans relâche. C'est à elles qu'incombe la tâche d'aller chercher l'eau. Elles portent parfois plus de 20 kg à bout de bras sur plusieurs kilomètres quand la source est loin du camp. C'est aussi elles qui traient, transforment le lait, cherchent du bois, cuisinent... Les hommes gardent le troupeau, et se reposent (!) car ils ont accumulé beaucoup de fatigue au moment de la transhumance nous dit-on.

      

    Il faut parfois marcher pendant des heures pour récupérer du bois. 

     

    Depuis l'arrivée en Iran, je suis un peu frustrée car nos rencontres sont essentiellement masculines. Les femmes se cachent, dans tous les sens du terme. Sous leur tchador, elles ne mangent pas avec nous... La séparation h/f est permanente et il faudrait que je sois seule pour qu'elles soient en confiance. Je suppose que c'est le debut et que la suite me permettra d'entrer un peu plus dans la sphère féminine!

     

    Après une petite séance d'escalade, l'arrivée au sommet est grandiose. On admire le panorama, et comme il est de coutume, on se prend en photo sous tous les angles sans oublier personne. Les iraniens adorent se prendre en photo, peu importe la qualité de l'arrière plan tant que tout le monde y est.  Ils chantent, ils rient, ils pleurent. Beaucoup d'émotions en ce lieu, terre mère de certains.

     
    Au sommet, heureux, certains se mettent à danser. En redescendant, une pause méritée au bord d'un ruisseau, donne des ailes à Amin qui se met à chanter des airs bakhtiaris.

    Au sommet du Mont Jaune. 

      

    La descente nous amène dans un vallon encaissé, sur une langue de neige impressionnante. On apperçoit de loin deux hommes qui nous crient quelque chose. Seyed, un de nos joyeux compagnons, nous traduit : nous sommes sur leur terre, et ils veulent savoir qui l'on est... Nous arrivons au campement.

      Campement d'une famille de nomades bakhtiarie.

    Le père de famille a du partir en ville, et seule la mère et ses deux filles sont présentes. Impossible pour elles d'inviter des hommes sans la présence du chef de famille. Nous irons donc planter la tente plus loin, au bord de la rivière. Habib me propose quand même de m'accompagner, puisque je suis une fille, j'aurais droit à un moment privilegié avec elles. Elles m'offrent du yahourt et une galette de pain au sucre avec des plantes, un délice! Puis j'assiste à une séance de "séparateur" dans la peau de chèvre. Elle secoue énergiquement la peau d'avant en arrière. 


    Dans le vallon où nous bivouaquons, la neige et l'eau bien présents ont permis aux nomades d'établir leur campement pour l'été. Le soir venu, les chèvres sont ramenées pour la traite.

      
    Sépration du lait et de la crème

    Puis les filles prennent le relais et se passent la peau comme un ballon. Elles veulent faire une course avec moi dans la montagne pour savoir qui sera la plus rapide au sommet. Je leur assure qu'elles n'ont pas besoin de la course pour être sûres de gagner!

    Je repars avec un kg de fromage sec que nous partagerons au dîner. Habib m'explique que la transhumance dure près d'un mois à l'aller, car le groupe fait des pauses pour permettre au troupeau de manger l'herbe sur la route. Le chemin inverse est plus rapide puisque l'herbe se fait rare apres un été torride. Une école sous une tente est organisée avec un instituteur pour permettre aux enfants nomades de suivre leur programme avant et après les vacances d'été quand leur familles est déjà en route. Contrairement aux écoles ordinaires, les filles et les garçons étudient côte à côte. 

     

    La nuit fut courte, les chiens de protection n'étant pas habitué à voir des étrangers ont rodé autour de nous en aboyant à plusieurs reprises. L'écho dans le vallon amplifiait le son. Nous reprenons le chemin du retour, dans un canyon où l'eau gronde. Contraste impressionnant dans ces montagnes arides où la végétation peine à s'imposer. Nous arrivons sur le lieu du départ pour un ultime thé accompagné des réserves qui nous restent. Les "au revoir" sont encore une fois émouvant et nous sommes conviés à retrouver l'un à Téheran, et l'autre à Sari.

    Au moment de repartir, nous rencontrons deux hommes, Ali et Mohsen qui nous proposent de nous avancer vers Yasug où nous voulons passer la nuit. Là tout s'enchaîne, comme il est de coutume dans ce pays. Ils nous invitent à manger du poisson le midi, nous conduisent pendant plus de 3h de route avec une pause melon frais au bord d'un des plus grands lac d'Iran, s'arrêtent pour des pauses photo le long de la route magnifique bordée de cultures de riz et petits villages typiques, nous trouvent un petit hôtel où on nous offre chicha, pâtisseries... et ne nous ont même pas laissé payer le restaurant.... Hospitalité toujours...

     

    "ô mon frère, respecte l'invité et prends bien soin de lui...

    Car l'invité est le don de Dieu

    Car l'invité apporte avec lui une bénédiction et efface les péchés de l'hôte."

    Hâfez, poème du XIVème siècle

       

    Cultures de riz sur la route des monts Zagros

     

      
    Festival de couleurs pour le coucher du soleil, toujours sur la route des Monts Zagros

     

    Perrine

     


    Un peu de réclame pour Habib, notre guide dans les estives Bakhtiaries.  

     



     

    Invitation de Habib, au pays des Bakhtiaris.

       

    Saveurs de la fin du Ramadan

     

    Après 2 jours passés dans la bouillonante capitale iranienne, une "petite" escapade sur ses hauteurs avec Soheil (près de 2300m de denivelé à pied....), nous prenons un bus pour la ville de Sari, sur la côte de la Mer Caspienne. Notre bus traverse la chaine de l'Alborz, qui marque une nette frontière climatique entre les versants Sud et Nord. Le premier, très aride, contraste fortement avec l'épaisse forêt et les cultures subtropicales qui caractérisent le versant Nord qui surplombe la Mer Caspienne.
    D'un côté, la vie se concentre dans de profondes vallées irriguées, de l'autre, les villes et villages s'étalent sur la côte, au milieu des champs de riz. 

    Cultures de riz dans l'arrière pays de Sari

    A Sari, nous sommes surpris par l'atmosphère étouffante à la sortie du bus : chaleur et humidité ne font pas bon ménage. Davud, notre ami iranien rencontré pendant notre randonnée dans les Monts Zagros, nous accueille au sein de sa famille, dans la maison de ses parents.

    Nous arrivons pour les derniers jours du Ramadan : l'ambiance est donc à la fête! Toute la famille attend le verdict du clergé chiite pour savoir si le jeune va prendre fin le lendemain ou le surlendemain. Le Ramadan se termine en effet dès que la nouvelle lune fait son apparition. C'est aux religieux d'en juger, par l'observation de l'astre. La télé parle : c'est donc demain que l'on pourra se remettre à manger à toute heure de la journée!

    Nous découvrons une famille d'artistes talentueux. Le père réalise des tableaux en marquetterie sublimes, la mère des tableaux en perles, Davud et sa soeur s'adonnent à la calligraphie. Les hommes de la famille sont également tous musiciens et maîtrisent les instruments traditionnels : cithare, ney (genre de flûte), daff (genre de tambour), santur (ancêtre du piano), kamanche (genre de violon).

    L'archéologie est une autre passion dans la famille : on nous présente des objets vieux de 3000 ans, trouvés dans des sépultures de la région, en pleine forêt. Couteaux, pots et perles en terre, bijoux en bronze… tous remarquablement bien conservés et aux formes parfois étonnament modernes.
    En fin de soirée, nous avons la chance d'assister à des chants soufis**, accompagnés de daff et cithare. Puissant et captivant!


    Poème soufi du Pakistan, en farsi, en musique chez le père de Davud. 


    Explication du poème par Davud : "Nous sommes juste de passage".

     

    Le lendemain, nous nous rendons à Langar, village situé dans l'arrière pays de la côte caspienne, où nous rejoignons la famille de Davud pour fêter la fin du Ramadan.
    Su la route, nous decouvrons de magnifiques vallées façonnées par des terrasses de riz au vert flamboyant. C'est l'époque de la moisson. Davud nous explique que le riz a été importé par les indiens il y a plus de 2000 ans.
    A Langar, nous decouvrons un paysage quasi alpin. Nous apprecions la fraîcheur de l'air. Nous faisons connaissance avec la famille : 23 personnes sont rassemblées pour ce week end, toutes générations confondues.

    L'ambiance est chaleureuse et détendue. Perrine savoure la vie sans voile. Le week end est rythmé par des balades en montagne (où le but final est une source : les iraniens vouent une passion pour les sources), de copieux et succulents repas : brochettes de viande, dizi (pois chiches et viandes broyés accompagnés de pains, poivrons et oignons), salades de patates délicieusement agrémentée. Nous assistons à une belle séance de chant accompagnée par le daff et le kamanche.


    Une des sources où nous nous rendons, dans les environs de Langar. L'eau qui sort y est chaude, salée et parfois chargée de bulles...


    Chant de la famille accompagné au daff et au kamanche. 

    Nous faisons la connaissance d'un paysan, alors en pleine récolte de miel. Son rucher se situe à une centaine de mètres de la maison où nous logeons. Accompagné de Davud, qui effectue la traduction, nous en apprenons un peu plus sur l'apiculture de la région.

    L'apiculteur avec qui nous discutons possède environ 100 ruches, en plus de son troupeau de brebis et de quelques vaches. Il produit du miel uniquement, qu'il vend en direct auprès de son propre réseau de consommateurs. Parfois, il lui arrive aussi de vendre une partie de sa production à un intermediaire qui se charge d'effectuer la vente à la ville.
    Il récolte ici un miel de montagne réputé en Iran, issu d'une plante nommée "avichane" (traduction phonétique).

    Récolte du miel à Langar. 

    En début de saison, il a produit un miel d'agrumes (oranger et citronnier) sur la côte caspienne.

    Il va maintenant redescendre plus bas, dans la jungle (forêt) comme l'on dit ici, avant d'hiverner sur la côte.
    Si l'hiver est trop rude, le rucher sera deplacé dans le Sud de l'Iran.

    Ces branchages et feuillages ont pour but d'isoler les ruches des températures extrêmes estivales et ainsi s'assurer que les abeilles ne chôment pas trop! 

    Ses ruches sont couvertes de branchages afin de réduire la chaleur au sein de l'édifice. Cette technique permet d'augmenter la productivité des abeilles.

    Auparavant, le miel était une production très courante dans la région mais le savoir faire s'est perdu. On compte dorénavant peu de ruchers. De plus, la filière apicole n'est pas structurée et les débouchés sont difficiles à trouver.
    La région fournit aussi un miel issu de ruches "sauvages", récolté et vendu à prix d'or.
    Le cheptel ne connaît pas de surmortalité comme en France. 


    Discussion avec l'apiculteur. Davud joue le rôle d'interprête.

     

    Sur les sentiers de l'Alborz, "Khaste Nabashid"

     

    Après deux jours passés parmi la famille de Davud, nous décidons de poursuivre notre route vers l'Est de la chaine de l'Alborz. Nous souhaitons realiser une traversée de la chaine à pied afin de mieux observer les contrastes entre les deux versants et les agricultures qui y sont associées. Notre départ est festif : un dejeuner de roi nous attend, les enfants jouent de la musique pour nous et l'on nous offre des fruits secs et des chocolats. Accueil exceptionnel, inoubliable...

    Dans la shpère privée, certaines femmes se dévoilent au sens propre comme au figuré. Elles aspirent à plus de liberté et à un traitement égalitaire. Pour une femme, faire du vélo est un acte militant voire révoltionnaire! 

    Nous longeons la côte Sud de la mer Caspienne, dans un bus qui nous emmène à Tonekabon, ville située au pied de la vallée que nous souhaitons remonter à pied. Davud nous a mis en contact avec le représentant local de la fédération des sports de montagne iranienne. Younes, c'est son nom, nous accueille chez sa mère, où vit aussi sa soeur, Arezou. Nous sympathisons très rapidement avec Arezou avec qui nous partageons les mêmes passions : montagne, nature... Elle est étudiante en foresterie.

    Younes et sa soeur nous accompagnent pour le premier jour de notre traversée. Nous prenons la route au petit matin, sous la pluie (nous n'avions pas vu une goutte depuis plus d'un mois). Au démarrage de la voiture, la mère de Younes jette une bassine d'eau sur le véhicule, geste censé apporté la chance aux voyageurs.

    Le massif escarpé de la chaine de l'Alborz. 

    Au bout d'une demi heure, la pluie cesse subitement. La route est sèche, il n'a pas plu ici. Le bitume disparaît et c'est maintenant sur une piste récemment tracée que nous roulons. Par endroit, on devine encore le sentier muletier, taillé dans la montagne et encore emprunté il y a quelques années. 

    Brume matinale sur le versan caspien

    Les villages de la haute vallée sont en pleine mutation. Des bâtisses récentes prennent la place d'anciennes constructions en terre et bois, souvent à moitié en ruines. Ici, les paysans cultivent, en terrasse, des haricots et des courges. Ils entretiennent également de magnifiques noyeraies. Ils sont aussi éleveurs de brebis. Dans les prés, c'est la période des foins. Des caravanes d'âne redescendent le fourrage.

    Les ânes s'aprètent à redescendre le foin. 

    Nous rejoignons les trois derniers villages par l'ancien sentier, toujours d'usage. Nous croisons des hommes et des femmes qui nous lancent tous : "Khaste Nabashid", ne soyez pas fatigués. Façon de saluer le marcheur et de lui souhaiter bonne route. 

    Pause petit dejeuner au bord de la source

    Younes nous accompagne jusqu'au dernier village avant de redescendre à toute vitesse à la voiture : son travail l'attend.

    Nous finissons l'ascension dans le brouillard : la mer Caspienne n'est pas loin. Au col, un ancien caravansérail rappelle la difficulté de cette route : il fallait plusieurs jours pour rejoindre les deux vallées. L'édifice servait de refuge aux caravanes.

    Nous basculons sur la vallée de l'Alamut et retrouvons le soleil éclatant de l'Iran. En contrebas, nous devinons le village de Pichebon où nous passerons la nuit. Le cadre est grandiose : sources et ruisseaux, prés de fauche, cultures (les haricots ont fait place aux patates) et futaies de peupliers. Au loin, de hauts pics partiellement couverts de neiges éternelles. 

    A pichebon, les paysans sont en pleine période de fenaison. Le foin, coupé à l'aide de motofaucheuses, est ramené à dos de mûles. 

    Nous sommes ici aussi en pleine période de fenaison : les motofaucheuses sont en action et l'on stocke le fourrage à l'exterieur, sous forme d'énormes pyramides. Nous redescendons le lendemain matin plus bas dans la vallée pour prendre un véhicule en direction de Tabriz.
    Nous faisons la connaissance d'un patron d'hôtel. Nous réentendons le même discours, qui sort spontanément après que les présentations aient été faites, le refrain de notre voyage en Iran : "Ici, nous ne sommes pas libres, le pays va mal. On nous impose la religion et l'économie est mauvaise." Il nous explique l'émigration des gens du village, aux USA, au Canada, en Suède ou en Allemagne. Souvent des personnes diplômés : c'est la fuite des cerveaux! On retrouve aussi la même gentillesse : on nous offre une délicieuse glace au safran. L'iran quoi!

    Fabien

    *Chaikhane : maison de thé

    **Soufisme : voie mystique de l'Islam. Les ordres soufis ont connu en Iran plusieurs vagues de persécution depuis la Révolution islamique.


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