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  • Balkans, la croisée des cultures

      

    Nous sommes de retour sur le continent européen, par la péninsule balkanique. Nous faisons halte en Bulgarie et découvrons une region aux influences multiples. La Grèce Antique, l'Empire Romain d'Orient, l'Empire Ottoman, la Russie sovietique et maintenant l'Union Européenne ont successivement joué un rôle majeur dans cette région des Balkans. Entre intégration européenne, diffucultés économiques et gestion des minorités nationales, la Bulgarie se présente aujourd'hui sous les traits d'un pays encore en pleine mutation.


    Jeux musicaux - Cour de l'école de musique de Plovdiv

    Nous préparons notre étape bulgare dans la ville de Plovdiv, au Sud du pays. Nous y decouvrons une région souriante et résolument tournée vers la culture occidentale. Les montagnes sont bien présentes et nous n'avons que l'embarras du choix.

    Le pays est couvert par un réseau ferroviaire dense très bien implanté en zone rurale. Nous partons sur les traces d'un ami et photographe français, ayant realisé un reportage sur la Tsenolineika*.
    Le long de cette voie ferrée, à bord de notre petit train grinçant avançant cahin caha entre vallées et montagnes, nous pénétrons dans une campagne mystérieuse et contrastante. Notre wagon représente à lui seul la diversité de la population du Sud de la Bulgarie : femmes musulmanes voilées, familles roms au teint mat, jeunesse bulgarienne aux tenues modernes... Nous apercevons aussi des villages dominés par le clocher de l'église orthodoxe et le minaret. Dans cette region, musulmans et chretiens cohabitent depuis des siècles.
    La déprise agricole est saisissante : depuis l'effondrement du bloc soviétique et l'ouverture des frontières, les jeunes sont partis vivre à la ville ou travaillent à l'étranger. Nous descendons du train à Bansko, fleuron du tourisme hivernal bulgare, dans le but d'y louer des vélos et parcourir les villages alentours.

    La locomotive diesel s'arrete dans toutes les petites gares le long de cette voie ferrée d'une centaine de kilomètres (en 4h)

    *http://www.ulysselefebvre.com/reportages/tesnolineika

     

    PaysanNEs, les derniers témoins?

     

    Bansko est une station prospère, livrée aux projets immobliers en tout genre. Le petit village de montagne d'antan a bien perdu de son allure et s'est très fortement urbanisé.


    Bansko : arrivée en train et carillon de l'église.

    De ce camp de base ultra touristique, nous partons en vélo pour deux jours. Il suffit de pédaler quelques kilomètres pour retrouver une campagne plus paysanne. Entre les massifs du Pirin et des Rhodopies, sur la route menant à la Macedoine et à la Grèce, nous trouvons des villages pittoresques, souvent partiellement abandonnés. Les plus isolés presentent une impressionnante concentration de vieillards, derniers représentants d'une culture paysanne révolue! Les mamies, discutent sur les bancs publics, profitant des derniers rayons du soleil. Sur certaines portes, un gros noeud papillon annonçant la mort d'un des habitants de la maison, attend de tomber sous l'effet des assauts de la météo.


    Au village d'Osenovo, le lait boue sur un feu de bois, en pleine rue. Plus loin, les anciennes profitent du soleil d'automne.

    Plus beaucoup de jeunes, la vie du village paraît appartenir à ces grands mères. Qui prendra le relais?

    Dans le village de Filipovo, nous sommes attirés par des airs de musique. Nous posons nos bicyclettes devant le bistrot où 4 hommes jouent une musique puissante et envoûtante. C'est la musique traditionnelle, celle des Balkans, qu'on apprécie tant! Un homme nous invite à rentrer. C'est le policier du coin. A l'intérieur, nous vivons une courte mais inoubliable expérience : un concert quasi privé où les artistes sont fiers de nous jouer leurs airs préférés. Dès notre entrée, l'accordéoniste se présente : "je suis Dimitri et aujourd'hui c'est ma fête, la saint Dimitri". Il a réuni trois autres de ses amis et les régale de sons partagés, de vin et de soupe au mouton! Dimitri connaît Grenoble pour ses JO et se souvient parfaitement de l'exploit de Jean-Claude Killy! Il nous offre de son vin et reprend sa musique endiablée. Le policier nous offre un bol de soupe et s'exclame : "Dimitri est chrétien, tout comme le percussioniste et le joueur de cornemuse qui sont roms, le clarinettiste est musulman. Tout le monde est ami!" A voir leur complicité et leur joie de vivre ensemble ce moment de musique, nous n'en doutons pas. Assis autour de la table, les musiciens se lèvent et poursuivent debout, dansant et poussant leurs instruments jusqu'a donner des frissons.

    Le groupe joue pour la Saint Dimitri, la fièvre s'empare de la petite scène du troquet!


    Troquet musique 1


    Troquet musique 2


    Troquet musique 3


    Troquet musique 4

    Nous reprenons la route pour le village de Kremen quelques 400 mètres plus haut (en dénivelé!). Le vin de Dimitri nous a un peu cassé les pattes et c'est avec soulagement que nous parvenons au village. A l'improviste car nous n'avons aucun lieu où dormir. Notre première rencontre est infructueuse : "savez vous où l'on peut dormir?" "Plus loin dans la montagne, à une heure de vélo..." nous répond un vieil homme tout en nous donnant des pommes. Nous poursuivons un peu plus loin et croisons 3 vieilles dames profitant du soleil. "Ici", nous répond l'une d'elle en faisant non de la tête (ici, l'affirmative et la négative c'est tout l'inverse de chez nous) et nous montrant sa maison. Et voilà, en Bulgarie, c'est aussi simple que ça!

    Liuba nous fait rentrer dans la cour de ferme où nous posons nos vélos. En l'échange d'un modeste loyer pour la nuit, elle nous offre le dîner, le couchage et le petit dejeuner. Nous sommes ravis de faire la connaissance de cette paysanne. L'archétype orthodoxe des campagnes de Bulgarie : fichu sur la tête et tenue traditionnelle. Sa maison n'a probablement pas bougé depuis plusieurs dizaines d'années. Nous nous imaginons que les maisons paysannes françaises devaient ressembler à ça juste après guerre. 
    Liuba, du haut de ses 84 ans, occupe seule sa maison. Au rez de chausse, dans la pièce de vie, sa cuisinière au bois et son lit se font face. Sur les murs, deux icônes de Jésus et Marie ainsi qu'une représentation de la Cène donnent une profonde ambiance de ferveur religieuse. Les 3 chambres de l'étage sont simples. Aujourd'hui, deux d'entre elles servent au stockage des fruits et legumes (beaucoup de poivrons et tomates). Nous dormons dans la troisième. Lits de camps en ferraille, un poêle, des murs blanchis à la chaux, une croix, et une petite icône de Marie feront très bien l'affaire.
    Nous faisons la connaissance de Nasco, son neveu, qui habite la maison en face et avec qui elle partage sa cour.
    Contre le mur de la maison, un drapeau, soleil aux rayons vigoureux sur fond rouge. Nasco nous apprend qu'il s agit du drapeau macédonien. Juste au dessus, une photo d'une statut d'Alexandre le Grand. Il nous explique que le village de Kremen est macédonien, tout en se plaignant que la Bulgarie ne le reconnaît pas. Nous sommes rattrapés par la complexité des questions identitaires des Balkans. Une région où les frontières ont bien du mal à trouver une légitimité aux yeux des minorités.
    Tout en aidant à la préparation du repas, nous en apprenons plus sur la petite ferme de Liuba. Elle possède trois chèvres blanches qui reviennent tous les soirs au village et un potager. Nasco habite la plupart du temps dans une ville proche. Il nous fait goûter la gnole locale qu'il fabrique lui-même, à partir de raisin : la rakia. 60 degrés! Il fait aussi son vin. Ses vignes sont constituées de Cabernet et de Merlot nous déclare-t-il fièrement.

    Liuba chérit ses trois chèvres avec des fruits et des légumes mélangés à de la farine

    Après un délicieux repas à base de patates et tomates du jardin, Liuba nous montre sa cueillette de l'été. Pas loin d'une dizaine de plantes différentes, qu'elle appelle thé, ainsi que des baies. Parmi ces plantes, la Sideritis, dont nous avons retrouvé le nom scientifique après recherche. Nous l'avons observé à plusieurs reprises sur des étales de marché. Très populaire dans tout le Sud des Balkans, elle est reconnue pour ses multiples vertus thérapeutiques. Les recherches scientifiques actuelles lui ont découvert de nouvelles propriétés, notamment pour lutter contre la maladie d'Alzheimer.

    La cueillette de l'été a été fructueuse. Toutes les plantes sont conditionnées au sec et à l'abri de la lumière pour leur garantir une bonne conservation.

    Le lendemain matin, un delicieux petit déjeuner nous attend. Un pain moitié gâteau et le fameux thé local! Apres nous avoir offert plantes de montagne et chaussettes confectionnées par ses soins, Liuba nous dit au revoir. Elle part surveiller les chèvres avec sa soeur. Tandis qu'elle sert fortement Perrine dans ses bras, elle me salue en me baisant la main droite. Nasco nous emmène visiter le village. Nous faisons halte à la petite épicerie locale. On y trouve de quoi se dépanner quand le frigot est vide et la ferme ne suffit plus. L'épicerie fait aussi office de bistrot. Nasco est déjà saoul. Comme de nombreux hommes de son âge du village, il a une certaine faiblesse pour la bouteille. Nous avons du mal à mener une conversation et sommes attristés par ce fléau. 

    Nous réenfourchons nos vélos en fin de matinée. Liuba reste pour nous l'emblême de la Bulgarie : comme toute ces vieilles femmes, elles semblent être les dernières gardiennes de ces petits villages et savent garder le sourire et la foi malgré un environnement social qui semble bien degradé!

    Fabien

     

    Le vin de Melnik

     

    Les jours suivants, face à la pluie persistante, nous décidons de faire une étape vinologique à Melnik. Au pied du massif de Pirin, Melnik est un village reputé pour son vin, sa riche histoire et son cadre.

    Orage à Melnik.

    Nous sommes quelque peu déçus en découvrant l'endroit. Le village ressemble plus à un grand complexe hôtelier qu'à un petit village viticole. Trop touristique à notre goût! Le temps toujours aussi menaçant, nous en profitons pour visiter une cave et tester le vin local dont la reputation n'est plus à faire en Bulgarie.
    Au hasard, nous poussons la porte de la famille Manolev . Atanas nous accueille dans sa cave, creusée il y a 250 ans. Il nous fait goûter son vin et nous en explique un peu plus sur sa fabrication.
    Au coeur d'un domaine de 6 hectares, sur les contreforts du massif de Pirin, les vignes en cépage local majoritairement (appelé Melnik) produisent du vin rouge et blanc. 15 000 litres de vin naturel sont produits chaque année. "Pas de chimie, ni dans les vignes ni pour la conception du vin (pas de sulfites)"! s'exclame Atanas. "Le vin est vendu jeune et ne se conserve pas! Tout au plus 2 semaines à un mois suivant la saison, une fois mis en bouteille!"
    C'est donc le vin de l'année que nous goûtons.
    Le vin rouge, sec, tout d'abord, qui se distingue du vin demi-sec par sa fermentation totale qui donne un vin plus alcoolisé. Le demi-sec, dont la fermentation est arrêté précocément, ressemble beaucoup plus à un jus de fruit. Le vin est vendu sur place aux touristes.
    Les vendanges, qui ont lieu de fin septembre à début octobre sont réalisées par un cercle restreint de proches. Ainsi, Atanas nous explique que c'est une petite entreprise à taille familiale.
    Il poursuit : "Le retour à la viticulture traditionnelle a commencé après les réformes de 1989, lorsque les vignes ont ete restituées à leurs propriétaires. L'entreprise familiale a été fondée en 1993." 


    Rakia! Tradition bulgare.

    Dégustation de vin de Melnik, conservé dans des fûts de chêne et de chataignier.


    Berger, sur les hauteurs de Melnik.

    Fabien

     

    Conservation de races locales

     

    Notre dernière étape paysanne bulgare se situe à Vlahi où se trouve le centre d'élevage de l'association BBPS Semperviva (Bulgarian Biodiversity Preservation Society Semperviva) qui tente de sauvegarder plusieurs races domestiques rares, notamment les chiens Karakachan, les moutons Karakachan, les chevaux Karakachan et les chèvres Kalofer. C'était à l'origine un village de Valaques (d'où le nom Vlahi), des nomades bergers présents dans toute l'Europe de l'Est. Village de contestataires du régime, il a été isolé et s'est vidé durant la période "communiste". Aujourd'hui, c'est un village relativement vide avec quelques résidences secondaires, et il accueille également certaines associations, dont BBPS Semperviva, qui permet le maintien d'un troupeau de chèvres, d'un troupeau de moutons, d'une vingtaine de chiens et d'une harde de chevaux.

    Nous avons seulement pu discuter avec un berger, car le gérant n'etait pas sur la ferme lors de notre passage. Autour d'un verre de rakia, de fromage de chèvre et de gras de porc, il se dit heureux d'être employé ici car son salaire est deux fois plus elevé que la moyenne, et il est logé et nourri. Lors de notre passage, une des chèvres malade a été dépecée pour nourrir les chiens, mais aussi l'ours et les deux loups, gérés par l'association d'éducation aux grands carnivores nommée Balkani.


    Dépeçage de la chèvre.


    C'est l'heure du déjeuner, de la chèvre pour le loup et des pommes pour l'ours.

    Pas grand chose à voir avec la tradition et la culture bulgare. A ce propos, le manque de troupeaux dans la région se traduit par l'embrousaillement généralisé des prairies et rend plus difficile encore le maintien d'une activité d'élevage.

    "L'homme à tout faire" de la ferme dépèce et vide la chèvre.

    Nous repartons après cette visite éclair, sous la pluie, pour rejoindre la capitale de la Bulgarie, puis celle de Roumanie le lendemain, en train.

    Perrine


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  • Monts Kaçkar : le thé et les Alpes
      

    Nous rejoignons la Turquie par un train de nuit, de Tbilissi à la ville frontalière de Batumi. De là, nous nous rendons en 1/2 h à Hopa, charmante petite ville située sur les bords de la mer Noire et dominée par les monts Kaçkar.
    Ici, la montagne se jette littéralement dans la mer.
    La région possède un climat sub-tropical particulièrement bien arrosée : les montagnes forment une véritable barrière à l'humidité provenant de la mer Noire.
    Ainsi, le littoral est propice et célèbre pour ses cultures de thé, productrices de thé noir. Une originalité, pour nous français, que nous décidons d'approfondir un peu plus.

    Cultures de thé au dessus de Hopa

    Et encore une fois, le hasard nous mène vers une belle rencontre : Tarik. Ce dernier nous propose initialement de l'aide dans la rue : nous sommes à la recherche de la Poste pour envoyer une lettre en France. Il parle anglais et ous apprenons rapidement que sa famille produit du thé sur les hauteurs de Hopa.
    Son travail fini, il nous mène en voiture vers les premières cultures au dessus de la ville. La récolte vient juste de se terminer : les champs sont malheureusement bien calmes pour nous. Néanmoins, le paysage est magnifique, les buissons de thé forment une épaisse couverture végétale verte foncée qui s'étalent sur des pentes incroyablement raides, au milieu de forêts très denses.
    La tante de Tarik nous présente une grande paire de ciseaux à laquelle est attachée un grand sac pour recueillir les feuilles de thé. Beaucoup de jeunes turques comme Tarik, ne veulent plus participer à la récolte trop fatigante et mal payée. On emploie pour l'occasion de la main d'oeuvre géorgienne bon marché (nombreux sont les géorgiens frontaliers qui viennent travailler en Turquie).

    La coopérative de Hopa s'occupe de venir chercher les feuilles fraîches dans chaque village pour les emmener à l'usine de transformation qu'un ami de Tarik nous fait visiter le lendemain matin. Photos interdites et visite éclaire en turque : nous n'avons pas compris grand chose mais ce fut tout de même très intéressant. Les principales étapes sont automatisées et réalisées à échelle industrielle. 
    Après avoir visité les cultures de thé, nous poursuivons la soirée chez Tarik où sa mère et sa soeur nous servent un excellent repas. La suite se passe chez un de ses amis où nous passons une soirée "à l'européenne" : discussions ouvertes avec verre d'alcool à la main. 

    Le lendemain, après avoir visité l'usine de fabrication de thé, nous partons randonner sur les hauteurs de Hopa, dans les cultures. Nous souhaitons profiter du paysage et mieux observer l'agriculture locale. De nombreux petits villages, très calmes, sont blottis en fond de vallée, à peine visibles dans la végétation luxuriante. Outre du thé, on y trouve quelques plantations de haricots. Les pentes sont parcourues par des câbles aériens transportant du matériel et les récoltes.


    En balade dans les cultures de thé, nous sommes intrigués par un léger bruit de fond métallique aux résonnances irréelles... Nous trouvons la source de ce bruit d'un autre monde en posant l'oreille sur le câble qui démarre juste à côté de nous. Et là, nous sommes directement propulsés dans une version de la "Guerre des étoiles" inédite. Les salves fusent dans tous les sens. Nous commençons sérieusement à nous interroger sur les effets du thé noir turque quand nous comprenons qu'il s'agit de la propagation de piaillements d'oiseaux posés plus loin sur le câble.  

    L'élevage semble réservé pour l'autosuffisance : nous croisons seulement quelques vaches. Après un superbe coucher de soleil sur la mer Noire, nous passons la nuit sous la tente, au milieu des cultures de thé.


    Appel à la prière en canon...

    Récolte des haricots rames au milieu des cultures de thé
     
    Au petit matin, nous prenons les services d'un dolmuç (minibus local) pour arriver à Yusufeli, de l'autre côté de la ligne de crête des monts Kaçkar, à l'intérieur des terres. Nous devons y rencontrer Ozkan, avec qui nous avons été mis en contact par le biais d'un ami franco-turque, Axel, dans le cadre d'un projet local de conservation et utilisation durable des forêts du Karçkar.
    Le secteur fait en effet parti de 34 points chauds définis au niveau mondial pour la préservation de la la biodiversité. A cette diversité biologique exceptionnelle s'ajoute une culture et une histoire particulièrement riche. La région se trouve à la croisée des influences turque musulmane et géorgienne chrétienne. On y trouve de nombreuses églises en ruines ou parfois transformées en mosquée et une musique traditionnelle particulièrement proche du voisin géorgien. 
     
    Côté agriculture, la vallée de Yusufeli présente également une incroyable diversité. Rizières, oliveraies, noyeraies et vignes de basse vallée laissent place en remontant aux vergers de pommes, aux prés de fauche, puis à d'immenses alpages. La montagne omniprésente n'a pas favorisé un développement agricole moderne. La déprise est forte et l'agriculture semble avant tout vivrière. Plus on remonte, plus les villages sont dépeuplés.

    La vallée fait face à une nouvelle menace qui risque tout simplement de rayer de nombreux villages de la carte ainsi que la ville de Yusufeli. Un projet de barrage gigantesque doit voir le jour d'ici quelques années. Les oppositions sont fortes.

    Nous arrivons à l'heure pour la récolte du riz qu'Ozkan nous emmène voir. Les femmes coupent les gerbes à la base qui sont ensuite amenées sur une plateforme bâchée. Chaque gerbe est frappée sur une pierre afin de faire sortir les grains de l'épi. 


    Battage du riz.

    Les femmes portent les gerbes sur les bâches pour en extraire les grains de riz
     
    Nous passons 4 jours dans les hautes vallées, marchant de village en village et à travers les alpages. Nous découvrons des villages "hors du temps" dont la ressemblance avec les Alpes est frappante. Les maisons sont faites en pierre pour le premier niveau puis en rondin de bois. D'imposantes cheminées en pierre ornent les bâtisses. Sur les portes en bois, on retrouve souvent des rosaces sculptées.

    Village de Pançet. 

    Les granges, faites entièrement en rondin de bois, contiennent l'étable au rez de chaussée. Le foin y est stocké à l'étage, en vrac. Autour des villages, quelques potagers, des prés de fauche et de grands vergers de pommiers dont la diversité est surprenante et les fruits succulents. L'accueil est toujours aussi chaleureux. Malgré la communication difficile (nous ne parlons pas le turque : grande frustration!), on nous offre des fruits, le thé et même des patates cuites à l'eau pour déjeuner. 
     
    Village de Pançet, la ressemblance avec les Alpes du Sud est frappante!


    Paysage des Monts Kaçkar, mis en musique par le muezin.

    Repos près d'un lac d'altitude avant de poursuivre notre chemin jusqu'au bivouac nocturne où nous attend une veillée au clair de lune, permise par les chaudes flammes de notre feu de bois.

    Ces villages sont étonnamment calmes. Seules quelques familles et des personnes âgées restent dorénavant l'hiver. Beaucoup de maisons ont un usage secondaire. Les familles parties s'établir à la ville reviennent pour l'été. La belle saison semble bien animée. On y organise des festivals avec danses traditionnelles et combats de taureaux. Les villages qui n'ont pas été reliés au réseau routier sont en ruines et le paysage portent les traces d'une fermeture rapide : la forêt revient à toute allure. L'élevage n 'est plus assez important pour maintenir les prés ouverts. Chacun a quelques vaches et une vingtaine de brebis au plus nous explique-t-on.
     
    Les petits troupeaux sont redescendus dans la vallée.
     
    Dans les alpages, ça n'est pas beaucoup mieux. Seules les petits troupeaux de la vallée montent en été. Nous parcourons des pâturages vides. Les bêtes ont été rentrées il y a une semaine. 
    Nous observons de nombreux ruchers, certains placés dans les villages mêmes, parfois sur les balcons des maisons. Dans certaines vallées, ils sont à l'écart mais dans de petits lopins de terre barricadés et comportant toujours une petite cahute. Les combinaisons d'apiculteur sont soigneusement disposés comme épouvantail, des CD et des plastiques de toutes les couleurs sont disposées sur les clôtures ou sur les cabanes.
    Nous apprenons qu'il s'agit d'une stratégie pour se protéger de l'ours, très présent dans la région (nous observons de nombreuses crottes sur les sentiers). Impossible, de laisser des ruchers éloignés de la présence humaine. Les cahutes sont utilisées comme lieu de surveillance. On s'y rend pour boire le thé et pour y dormir.
    Tant d'efforts mérite une bonne rétribution et en effet, la production locale de miel est, nous dit-on, particulièrement réputée (en tout cas délicieuse). Le kilogramme se vend jusqu' à 45 euros de kilo! Dans certains villages, chaque famille possède des ruches, y compris les personnes les plus aisées, comme les propriétaires d'hôtels. Certains en possèdent jusqu'à 50. L'hiver, les ruchers sont descendus en terres plus chaudes, à Yusufeli.
     
    Les ruches sont bien protégées, les ours ne sont pas loin!
     
     
    Chroniques de la vie kurde
    Trésors de la vallée de Bahçesaray
     
     
    De Yusufeli, nous rejoignons en bus, la ville de Van, célèbre pour le lac du même nom qui la borde. Le paysage change rapidement en s'éloignant des Monts Kaçkar. Les hauts sommets et profondes vallées font place aux plateaux anatoliens steppiques. Immenses espaces où nous voyons de plus en plus de troupeaux de vache et brebis.
    L'accueil est chaleureux. Le chauffeur de bus nous offre le thé et le déjeuner. A Van, toujours impossible de payer son thé tout comme la connexion internet. Les kurdes affirment leur identité et en sont fiers. On nous apprend les rudiments de la langue kurde et l'on nous offre une tresse aux couleurs locales (vert, jaune, rouge). L'Anatolie de l'Est, à population très majoritairement kurde est une poudrière dans certaines régions : Tunceli et Hakkari sont tristement réputées pour les affrontements violents et parfois sanglants qui s'y déroulent périodiquement. Mieux vaut se renseigner auprès de la population pour savoir où il ne faut pas se rendre... 
    C'est une fois à Bahçesaray, petite ville située au Sud du lac de Van, que l'on se rend compte de l'ampleur des évènements. Alors que l'ambiance y est calme, nous apprenons que le contexte en pays kurde semble se détériorer depuis quelques mois : manifestations, attentats, prises d'otages...
     
    Bahçesaray est un petit centre administratif, point névralgique de plusieurs vallées, où se trouvent de nombreux villages de montagne. Nous franchissons le col routier le plus haut de Turquie à près de 3000 mètres d'altitude. Fermé l'hiver, parfois durant 6 mois, il isole la vallée du reste de la Turquie pendant la mauvaise saison. 
    Nous y rencontrons à notre arrivée des enseignants qui se retrouvent le week end dans le jardin de thé qui longe le torrent. Ces enseignants sont turques et jeunes. Du fait de l'isolement et du manque d'animation de la petite ville, aucun enseignant ne souhaite y resté. Ce sont donc les jeunes diplômés qui y sont envoyés pour effecteur leurs 3 premières années. Nous y faisons la connaissance de Mohamed et Mohamed, l'un est kurde (de retour d'Istanbul où il a effectué ses études) et l'autre est enseignant turque. Tous deux nous invite chez eux, l'embarras du choix. Nous décidons de passer notre première soirée dans la famille kurde puis la seconde chez l'enseignant. Pendant notre discussion, un char blindé de l'armée, circule en plein centre ville.
     
    Nous expliquons à Mohamed (kurde) notre voyage et nous lui demandons si nous pouvons rencontrer un berger. Pas de problèmes! Quelques minutes plus tard, son cousin nous emmène en minibus sur un alpage proche de Bahçesaray. Nous y rencontrons deux bergers en train de terminer leur déjeuner. Le troupeau composé de brebis et de chèvres chôme. Aux côtés des bergers veille un grand chien blanc au collier de fer aux pointes acérées pour se protéger du loup, bien présent dans ces montagnes. Il s'agit d'un berger d'Anatolie. Les animaux ont été traits ce matin par les femmes et les seaux sèchent au soleil. Malheureusement, ni le chauffeur, ni les bergers ne parlent anglais. 

    Femme kurde.

    De retour au jardin de thé, nous rencontrons le chef de la police locale qui nous invite à sa table pour prendre le thé. S'en suit une discussion incroyable. Cet homme est surpris de voir des touristes et nous demande ce que nous faisons ici. Nous lui expliquons que cette idée nous est venue par un guide sur la turquie qui conseille de se rendre dans la région. Sa réponse est fulgurante :"il faudrait brûler ce guide. Qui a écrit ça?" Il nous parle de kidnapping et nous annonce que la route est dangereuse, surtout la nuit. Les actifs du PKK (Parti des travailleurs Kurdes militant pour l'autonomie du Kurdistan) se cachent dans la montagne. Il rajoute : "de toutes façons, si vous vous faites kidnapper, 1 ou 2 jours de balade en montagne, et ils vous relâcheront car vous êtes des français et votre pays aide le PKK".
    La suite du dialogue porte sur la politique  (terrorisme kurde), culture française et turque... L'homme est désagréable, hautain et méprisant parfois. Au final, ces propos nous ont que peu effrayé. Nous avions eu le temps de discuter auparavant avec turques et kurdes qui nous avaient clairement déclaré que la région était sûre. Alors, risques sérieux ou volonté d'effrayer les touristes qui viennent rencontrer une population locale qui en a long à raconter sur les sévices passées de l'état turque?
    Nous apprenons que l'identité kurde fut niée par l'état turque pendant de nombreuses années. La langue kurde fut interdite : à l'école bien sûr, mais aussi chants et livres... Nous avons entendu des choses abominables qui se sont déroulées dans cette région. Il ne s'agit pas ici d'en faire la liste et nous préférons vous relater nos rencontres paysannes. Toutefois, les kurdes semblent obtenir depuis quelques années de nouveaux espaces pour s'exprimer, en témoigne une télé kurde récemment créée.
     
    Dans les rues de Bahçesaray, un homme nous accoste en blaguant : " alors, vous avez la carte qui situe l'or des arméniens?". La légende est présente dans toute l'ancienne Arménie qui s'étendait alors jusqu'ici. On dit que les arméniens étaient forts riches et ingénieux. Ils avaient construits de superbes villages, de grands canaux d'irrigation et des églises très anciennes qui ont su résister à l'épreuve du temps jusqu'à aujourd'hui. Et l'on raconte qu'en partant (à la suite de la première guerre mondiale), ils ont enterré leur or. Ainsi, les tombes arméniennes et les églises sont souvent fouillées. Plus tard dans notre séjour, nous croiserons même un homme pelle et pioche à l'épaule, creusant près d'une église en ruines!
     
    Mohamed nous emmène dans son village, Kasr (en kurde) et Kösk en turc nous précise-t-il. Il refuse tous présents en guise de remerciements. Nous sommes accueillis à bras ouverts. Le dîner est excellent. Nous découvrons et dégustons une cuisine raffinée : poivrons et oignons farcis au riz accompagnés d'une sauce au yaourt et à l'ail, soupe au lait agrémentée d'herbes aromatiques, légumes frais du jardin (tomates, poivrons), fromage de brebis aux herbes accompagné de miel (mode de consommation très courant dans la région). 
    Notre hôte nous explique l'élevage local. Les vaches du village sont gardées la journée par un berger. Elles passent la nuit dans leur étable respective où les femmes viennent traire matin et soir. Les brebis et les chèvres ne rentrent pas au village, les femmes se rendent à l'alpage pour la traite. Elles ramènent le lait et le transforme en yaourt ou en fromage. Le fromage de brebis (plus apprécié) est conservé pour l'hiver dans des bidons en plastique, enterrés dans la terre, souvent dans la cave. Il est assaisonnée d'herbes aromatiques (généralement estragon, thym et menthe). Les kurdes en raffolent et on les comprend. Il est présent à tous les repas et la famille exilée à Istanbul en commande plusieurs dizaines de kilos chaque année nous dit-on.
     
    Le formage de brebis, assaisonné aux herbes, est conservé sous terre dans un bidon en plastique.
     
    Mohamed nous apprend que la vallée connaît de profonds changements depuis une vingtaine d'année. Le réseau routier s'étend et s'améliore. L'électricité est arrivé ici il y a 20 ans. L'accès à l'éducation devient une priorité pour les nouvelles générations (y compris pour les femmes). Les familles toujours aussi nombreuses (souvent une dizaine d'enfants) tendent à diminuer.
     
    Mohamed nous raconte plusieurs histoires pour nous expliquer la vie dans sa vallée, il y a encore une trentaine d'années. La suivante a été vécue par son oncle lui-même, photographe journaliste avec qui nous avons partagé la soirée. Alors qu'il se promenait, il croisa un homme avec un enfant mort sur son dos et une poule dans le bras. Il interpella l'homme et lui demanda ce qu'il faisait ainsi : "Mon fils est malade. Je l'emmène à l'hôpital mais je n'ai pas de quoi payer. Alors je vais vendre ma poule." L'oncle de Mohamed était stupéfait. Il prit une photo qui fut présentée à des parlementaires turques et fit, selon Mohamed, scandale. 
     
    La seconde histoire est heureusement un peu plus joyeuse. Un homme de 50 ans était tombé amoureux d'une jeune fille de 17 ans. Il la demanda en mariage. Les parents refusèrent du fait de la grande différence d'âge. La jeune fille était, elle, d'accord. Le vieil homme lui plaisait. Elle en expliqua quelques années plus tard la raison. Elle ne savait pas que le monde était si grand. Elle n'était jamais sorti de son village.
     
    Le jour suivant, le petit déjeuner est encore un festival pour les papilles : omelette farinée au miel, beurre de yaourt (obtenu à partir de yaourt comme le nom l'indique), fromages, tomates, concombres, olives, confiture de fraise maison, miel du village. Le miel est consommé, comme dans toute la Turquie, avec la cire. On dit que c'est meilleur. De notre propre expérience, ça n'en altère pas le goût et la présentation comme tout droit sorti de la ruche est plutôt alléchante.
     
    La table du petit déjeuner....
     
    Nous quittons la maison pour nous rendre chez un autre de ses oncles. En partant, la tante de Mohamed nous offre des fruits secs : noix, noisettes et poires séchées (sur la terrasse au soleil, tout simplement). Un régal!
    En route nous découvrons d'immenses vergers de pommes et poires. C'est l'époque de la cueillette et l'année est bonne. Mohamed nous explique que son village est réputé pour ses pommes dans toute la vallée. Chez son oncle (l'autre), nous sommes encore une fois accueillis comme des rois : grand bol de café au lait, plateau de fruits (pommes et raisins), alors que nous venons de petit déjeuner. Nous découvrons un immense potager : navets, courges, poivrons, aubergine, tomates, maïs, haricots, radis, choux... Sa tante en revend une partie. 
     
    A pied entre les villages avec la famille de Mohamed
     
    Mohamed nous mène ensuite chez l'enseignant, à l'école. Nous sommes dimanche aujourd'hui mais il travaille à l'internat. Mohamed (l'enseignant, vous suivez toujours?) nous fait visiter l'école et l'internat. Il nous explique que beaucoup de parents choisissent de confier leurs enfants à l'internat, gratuit. Les familles sont parfois très pauvres.
    Il nous raconte la longue saison d'hiver. "Lorsque les enfants sont obligés de rentrer chez eux, nous nous assurons qu'ils sont bien arrivés en appelant leur parent. La neige est abondante et fait descendre les loups."
    Dans l'école, de nombreux portraits d'Atatürk, le père de la République Turque.   


    A l'école de Bahçesaray, les journées commencent par le chant de l'hymne turque. 

    L'après midi, nous nous promenons au village d'Elmayaka. Beaucoup d'enfants parfois accompagnés de leur parents sont en train de cueillir les noix, gaule à la main. On nous gave de ces fruits d'automne.
     
    Tout le monde participe au ramassage des noix dans le village
     
    Nous passons la nuit chez Mohamed (l'enseignant). Le lendemain, nous repartons pour Van. 3 heures d'attente à Bahçesaray, pour que le minibus se remplisse, occupées par de nombreux thés et nouvelles rencontres.
    Nous ne sommes pas prêts d'oublier cette étape.
     

    Chroniques de la vie kurde
    En famille, chez Hakim
      

    Sur la carte, la caldeira du Mont Nemrut s'aperçoit en un coup d'oeil. 

    L'étape suivante se situe à Serinbaya, petit village kurde situé sur les hauteurs du lac de Van, plus précisément sur un des flancs du volcan éteint du Mont Nemrut. Nous avons atterri ici par un enchaînement de circonstances que seul le voyage à l'improviste peut réserver. A Van nous rencontrons une française (Siham) qui loge en couchsurfing chez un guide de montagne. Ce guide de montagne connaît un autre guide, Hakim, qui travaille dans la région du Mont Nemrut. C'est exactement là où nous souhaitons nous rendre. Accompagnée de Siham, nous nous rendons au volcan où nous rencontrons Hakim, qui nous emmène dans sa famille, au village de Serinbaya. Et voilà, c'est reparti pour 3 jours de rencontres et découvertes!
     
    Hakim et sa famille sont accueillants et sympathiques. Hakim a 13 frères et soeurs. Son père a commencé à accueillir des touristes il y 29 ans, les emmenant en excursion au volcan et les accueillant dans sa maison. Aujourd'hui, Hakim a repris et développé l'affaire. Il organise des excursions dans toute la Turquie. Ses autres frères et soeurs connaissent différentes situations : étudiants, établis à Istanbul, marié au village...
    Nous faisons la connaissance de Michael, son frère, qui tient un hammam à la proche ville de Tatvan. Une de ses soeurs vit encore à la maison. Extravertie, elle blague toujours. En ce moment, elle est employée pour ramasser des pommes de terre. 

    Superbes couleurs d'automne au bord du lac du Mont Nemrut. 

    L'après midi, Michael nous emmène visiter l'église arménienne, au dessus du village. En ruines, elle subit encore les assauts des chercheurs d'or. Michael nous explique l'agriculture de sa famille et de son village. Ses parents possèdent 40 moutons, 20 chèvres, 3 vaches et un taureau. Sa mère fait le fromage, dont elle vend une partie à des marchands de Tatvan. L'été, les bêtes du village sont rassemblés en plusieurs troupeaux et sont menées tous les jours à l'alpage. Les vaches dorment à l'étable et les brebis reviennent une à deux fois par jours au dessus du village pour la traite. La mère de Michael trait à la main ses 60 brebis et chèvres en 1 heure. 

    Les bergers ne sont pas payés. Ils sont nourris par l'ensemble des familles du village, durant l'estive. Auparavant, les familles possédaient beaucoup plus de bêtes. Elles passaient l'été dans le cratère du volcan. Mais aujourd'hui, les troupeaux ont beaucoup diminués et cette pratique a été abandonné il y a une vingtaine d'années. Le lait ne paye pas et on préfère travailler dans le "BTP", dans les villes proches. 


    Mickaël vous invite.

    De retour de notre balade, nous découvrons la mère de Michael surveillant une grande marmite sur un feu de bois, à l'extérieur de la maison. A l'intérieur de cette marmite, du lait de chèvre et brebis qu 'elle fait bouillir avant de l'ensemencer avec un yaourt et de faire reposer jusqu'au lendemain matin, où nous pourrons manger ... du yaourt.
     
    La mère de Michael et Hakim s'affaire à la traite du matin.
     
    Ici, on se chauffe au charbon mais la végétation buissonnante des alentours sert aussi à la cuisine et au démarrage du feu. On utilise aussi les déjections animales. En effet, peu de bois dans les alentours, hormis dans le cratère, mais l'administration forestière en a interdit le prélèvement. L'hiver, on donne aux bêtes du foin et les résidus du battage du blé. Elles sont nourries deux fois par jour, dehors, car les bergeries sont trop petites. Le foin est étalé à même la neige, prélevé dans les immenses pyramides qui parsèment le village. 
     
    Après la traite, les vaches du village sont conduites par le berger sur le volcan et reviennent le soir. 
     
    Le blé dur est la principale culture. Des pommes de terre étaient aussi cultivées auparavant mais le manque d'eau des dernières années a fait disparaître cette culture. Sur les berges du lac du Van, plus bas, on trouve d'immenses champs de patates ainsi que des betteraves à sucre. 
    Nous passons les deux jours suivants à parcourir, tous deux, le volcan éteint. Le paysage est fabuleux : un immense cratère occupé pour quasiment la moitié par un lac d'un bleu profond... Les images parlent d'elles même. 
     
    Vue sur le cratère depuis le sommet du Mont Nemrut.


    Le cratère du Mont Nemrut, la sensation d'être arrivé sur une autre planète, un condensé de paysages désertique, forestier, montagneux et lacustre, ou plutôt maritimes, où même certaines mouettes y ont trouvé leur mer.

    Nous rencontrons 4 bergers kurdes accompagnés de 2 femmes. Il est 13h00 et nous sommes invités à déjeuner avec eux. Nous avons déjà mangé mais impossible d'échapper à l'invitation. Nous leur offrons nos raisins secs et un paquet de gâteaux. Nous communiquons essentiellement par mimes. Ils sont en train de plier le campement de tentes et de charger les ânes. Il va leur falloir 5 jours pour rentrer chez eux, près de la ville de Batman. Nous leur présentons des photos de France : "oh, güzel!" (traduction : "c'est beau!"). Ils nous demandent s'ils peuvent en garder chacun une. C'est avec plaisir que nous leur donnons.
     
    Les bergers kurdes sont surpris par la verdure des alpages français.
     
    Nous goûtons leur fromage de brebis : délicieux! Les restes du repas sont donnés aux 7 bergers d'Anatolie. Nous découvrons en nous relevant que nous étions assis sur la gore tex du berger kurde. Une veste en feutre aux épaules relevées en pointe, le tout doublé à l'extérieur d'une bâche. Multi usage : on peut dormir dessus, dedans, s'y asseoir...


    Moment magique de ce voyage avec les bergers kurdes du Mont Nemrut.
    La compréhension n'est pas toujours aisée mais peu importe, la joie partagée d'une rencontre imprévue au milieu de nul part suffit à savourer l'instant présent. Le sentiment d'une expérience universelle de fraternité autour d'un thé et d'un repas.

    Le mauvais temps approche et il nous faut retourner au village avant la nuit, où nous attend notre famille d'accueil et une surprise. Nous refusons l'invitation à rester (à regrets!) et repartons chargés de cadeaux : une bouteille de lait fraîchement tirée, du fromage et du pain!
     
    La gore-tex kurde.
     
    Arrivés au village, c'est un mariage qui nous attend. C'est la première soirée d'une série de trois. La fête démarre dès vendredi soir pour finir en apothéose le dimanche soir. Nous participons donc à l'échauffement : musique et danse, sous deux chapiteaux montés pour l'occasion. Un groupe joue de la musique kurde, particulièrement dansante. Femmes et hommes sont séparés (chacun son chapiteau) mais Perrine est invitée sous la tente des hommes. Nous sommes immédiatement conviés à une danse. On se tient le petit doigt et on mouline tout en faisant des pas : en avant, sur le côté, en arrière... Nous dénotons un peu avec nos habits de montagne et nos sandales! Tout le monde participe à la danse, toutes générations confondues. Les pauses sont l'occasion de boire du thé. Une belle manière de clôturer notre passage chez les kurdes!


    Aperçu de la musique du mariage. ça swingue! (désolé pour la mauvaise qualité de son)

    En attendant "la danse des petits doigts" dans le chapiteau du mariage.
     
     
    Plantes d'Anatolie centrale
      

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    Tahsin Tasürek nous fait visiter les serres à plantes aromatiques. 

    Sur la route pour Istanbul, nous effectuons une pause de 2 jours dans la région de Sivas. Un ami franco-turque, Axel, nous a conseillé de visiter le centre de conservation et amélioration des plantes fourragères montagneuses d'Anatolie, rattachée à une unité de recherche du ministère de l'agriculture turque. Nous y rencontrons le responsable, Tahsin Tasürek. Il nous explique son travail. Sélectionner et améliorer diverses plantes pour augmenter leur potentiel fourrager, leur vertu thérapeuthique et leur pouvoir épurateur des sols. Des objectifs beaucoup plus larges que l'intitulé de son centre de recherche.


    "Medicin plant"

    Sa soeur, Dilberte, nous invite à venir dormir dans sa maison, au village de Sirialan. Nous y retrouvons son mari Mustapha. Tous deux à la retraite, ils ont décidé de quitter la capitale Ankara pour venir s'installer à la campagne. Ils ont développé une petite activité agricole : la culture de l'Origan en mode Biologique. Pendant un jour, nous avons été accueillis aux petits soins. Dilberte et Mustapha nous ont fait découvrir leur village et ses habitants : rencontre d'un berger transhumant, balades en montagnes et visite de la tombe du très celebre barde turque Asik Veysel*...


    Au village de Sivrialan, Mustapha et Dilberte nous mène à la rencontre d'un berger. Un de leurs amis nous accompagne. Il a vécu en France et joue le rôle d'interpète pour cette rencontre. Nous y apprenons le fonctionnement de l'alpage, la vocation laitière du troupeau et les déboires avec le loup.


    Le berger


    Mustapha fredonne dans sa voiture.


    A Sivrialan, Mustapha et Dilberte nous font découvrir leur jardin sauvage. Ils semblent connaître chaque buisson porteur de délicieuses baies comestibles. Avec certaines, ils font de la confiture. "Bon appétit!"


    Perrine et Mustapha admire le paysage du village de Sirialan. 

    La population de Sirialan se multiplie en été. De nombreux retraités reviennent aux sources pour la belle saison. Seules 25 personnes passent l'hiver ici, dont Dilberte et Mustapha. 
    Nous repartons pour Istanbul chargés d'un sac rempli de victuailles : gâteaux aux noix, pain, tomates et un gros paquet d'origan.
     
    Merci beaucoup Dilberte et Mustapha, kurdes, turques et autres habitants d'Anatolie!
     


    Entre Asie et Europe, les bateaux transportent quotidiennent des milliers de personnes, le Bosphore comme trait d'union. A Istanbul, on ne sait parfois plus trop où l'on est. Alors que la culture occidentale semble omniprésente, le chant du muezin rappelle les profondes origines de la société turque.

     
    Fabien
     

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  • Charmes d'un Iran déconcertant

     


    Musique bakhtiarie

    L'Iran surprend et ne peut laisser indifférent. Elle vous envoûte ou peut vous mettre mal à l'aise. C'est le genre de destination qui vous initie au voyage, "celui qui vous fait ou vous défait". Un pays que l'on ne peut appréhender avant le départ : il faut se laisser guider par ses habitants, se laisser raconter son histoire plusieurs fois millénaires, sa soif de savoir insatiable, sa ferveur religieuse déconcertante, sa politique démente, sa jeunesse récalcitrante au régime et craignant le futur... la modernité et la richesse des grandes villes, le mode de vie ancestral et la pauvreté des nomades, son humanisme à travers sa tradition d'accueil et son ouverture d'esprit, la condition des femmes (ségrégation et interdictions...). L'Iran est multiple : sa diversité est incroyable, ses paradoxes déroutants...  

    Lieu Saint de Mashad, pélerinage national et international

    La liste pourait être longue. Nos pérégrinations à travers les grandes villes du pays nous ont permis de rencontrer de multiples personnes. Toutes, quelque soit leurs idéologies nous ont reservé un accueil exceptionnel, presque gênant parfois. Il nous est impossible de les remercier à leur juste valeur.

    A Machhad, nos premiers jours avec l'Iran auront été résolument marqué par la ferveur religieuse de cette ville sainte.

    Préparation d'une recette traditionnelle fraîche et bienvenue : yahourt, herbes aromatiques, ail, concombre, raisins secs et noix, le tout soupoudré de pain sec

    Ateliers de tapis à Mashhad, dont certains en soie sont splendides

    A Isfahan, la foi nous surpendra encore mais c'est aussi une ville au patrimoine grandiose et extrêmement riche que nous découvrons. 


    Isfahan, Mosquée du vendredi. L'appel à la prière, diffusé également dans tous les lieux publics, est un moment captivant où se concentre la ferveur religieuse d'un pays théocratique. Quelques soient ses croyances, difficile de ne pas apprécier la beauté du chant, malgré la mauvaise qualité de son diffusé par les hauts parleurs.


    Le mot "paradis" tire son origine de l'ancien persan "paira-daeza", signifiant espace clos et faisant référence au jardin. Modèle très ancien, le jardin perse constitue un véritable hâvre de paix où verdure et eau permettent un ressourcement pour l'esprit. A Isfahan, l'ambiance reposante du "jardin aux fleurs" est exaltée par la radio qui diffuse une musique délicate.


    Sur la place de l'Imam, à Isfahan, la coupole de la Mosquée du Shah Abbas s'élève à 36 mètres. Accompagné d'un ami iranien, nous testons l'écho de l'imposant édifice.

    A Isfahan, nous faisons la connaissance d'un jeune homme qui nous joue de la musique au santur, instrument traditionnel iranien à l'origine du piano. Vêtu d'un jean slim et d'un T-shirt moulant, cheveux soigneusement décoiffé, il rejette radicalement l'Iran contemporaine et nous confie à voix basse qu'il déteste l'Islam. Sur son ordinateur portable défilent des clips à "l'occidentale" où de jeunes filles en maillot de bain se trémoussent. Mal-être d'une jeunesse qui cherche à s'échapper de l'austérité du régime actuel.   

    Place de l'Imam à Isfahan, la chaleur y est difficilement supportable en journée et la place se remplit dès le soir pour des pique-niques de part et d'autres des bassins... ambiance exceptionnelle!

    Petite pause gourmande dans une chaikhane* (Isfahan). Normalement les femmes ne fument pas la chicha, mais l'endroit est bien planqué!

    A Shiraz, nous decouvrons l'Iran telle que l'on ne nous la raconte pas dans nos médias : un peuple cultivé et ouvert sur le monde, qui montre une passion admirable pour la poésie, un peuple qui souffre et qui a soif de changements et d'ouverture au monde, un héritage culturel multi millénaire...


    Promenade dans le bazar de Vakil, à Shiraz.
    En Iran, les bazars demeurent une institution économique. Places marchandes de premier ordre, ils sont également très souvent de véritables chefs d'oeuvre architecturaux, labyrinthes sans fin, totalement couverts et bénéficiant d'une fraîcheur relative très appréciable.   


    Ambiance urbaine dans une rue de Shiraz.
    En Iran, les villes sont saturées par le trafic automobile. Si les Iraniens font preuve d'un accueil exceptionnel, sur la route c'est l'inverse qui s'applique. Chacun pour soi et prudence extrême pour les piétons : traverser une rue est une épreuve physique et psychologique!

    Le tombeau de Hafez où aiment se recontrer toutes les générations, passer du bon temps en se remémorant les vers de ce célèbre poète, qui a fortement influencé la culture iranienne.
    Voici comment plusieurs des iraniens que nous avons rencontrés, trouvent leur inspiration pour résoudre leurs problèmes. Prendre un receuil de poèmes de Hafez, l'ouvrir au hasard et lire la page correspondante... Vos tracasseries prendront alors une tournure beaucoup plus légère.

    A Teheran, une mégalopole foisonnante, la propagande d'un regime qui répand un discours belliqueux : incitations à la violence pour la libération de la Palestine, images de guerre, hommages aux soldats morts au combat...


    Les montagnes au-dessus de Teheran sont parcourues été comme hiver par les téhéranais, à pied ou en ski (une station de sport d'hiver occupe les plus hauts sommets). Une façon de prendre l'air mais aussi un lieu de liberté où jeunes et moins jeunes se retrouvent, femmes et hommes, et se permettent des comportements vestimentaires et moraux inenvisageables en ville. Au fond d'un vallon, nous avons croisé un vieil homme jouant du kamanche et donnant au lieu une atmosphère particulièrement attachante.

    A Tabriz, plus qu'ailleurs, on nous accoste de nombreuses fois dans la rue, juste pour discuter, pour nous souhaiter la bienvenue et en savoir un peu plus sur ces touristes qui osent venir en Iran...

    La republique islamique est d'une morosité incroyable. Comme nous l'a dit un de nos hôtes : "ce qui peut rendre heureux est interdit!" La musique profane, les concerts, une femme qui chante, flirter, avoir une petite copine, boire de l'alcool entre amis… Mais tout ça n'est que façade. En privé et de manière très habile, tous ces interdits sont contournés. Les jeunes ont des "girlfriends" comme on dit ici, on fait soit même son alcool et on le déguste avec beaucoup de savoir vivre entre amis (c'est du vécu et du très apprecié), on écoute de la musique pop du monde entier, on contourne les filtres sur internet…   

    Fabien

      

    Nomadisme au pays des Bakhtiaris 

      

    Amid nous lance plusieurs fois qu'il est triste que l'on se quitte. Ce soir, entre deux jours saints, il y aura beaucoup d'invités chez eux et il aurait aimé qu'on en fasse parti. Evidemment on aurait aussi aimé... mais la montagne nous appelle, car depuis presque deux semaines nous n'avons pas lâché les sandales. C'est parti pour rejoindre le village de Chelgerd, dans les Monts Zagros.

     

    Nous avons le contact d'un prof d'anglais qui propose des tours en montagne en été. On a choisi cette option pour la première fois, d'une part parce que la région est une des plus reculée du pays, et d'autre part parce qu'on s'aperçoit que la communication est très vite limitée. Contrairement à l'Asie Centrale où notre russe de débutant nous permettait largement de nous débrouiller seul, nous avons été moins rigoureux pour le Farsi (persan moderne), et même le guide de converstation acheté à Mashad n'est pas suffisant pour se faire comprendre.

    Habib nous aidera donc à comprendre un peu mieux les Bakhtiaris, peuple nomade de la région qui transhume depuis le Khouzistan, à la frontière avec l' Irak. Habib est un enfant du pays. Il a grandi dans ces montagnes et faisait lui aussi la transhumance estivale pour amener les troupeaux de chèvres vers les pâturages d'altitude. Il nous raconte la vie difficile des nomades, les attaques d'animaux sauvages, mais surtout les vols. Nous demandons confirmation, intrigues... En fait cela nous rappelle un livre que nous avons lu " L'usage du Monde" de Nicolas Bouvier. Il parlait de cette region et de ses voleurs. Même 30 ans apres, le fusil constitue l'outil le plus important du nomade, nous explique Habib, pour la sécurité de la famille.

     

    Nous ne sommes pas les seuls à avoir contacté ce guide. Nous nous joignons à un groupe de joyeux iraniens pour ces deux jours de randonnée. Le départ prevu à 6h pour éviter les grosses chaleurs se transforme en un départ à 7h30. Ils ont roulé toute la nuit, se sont perdus, et ont besoin d'une petite heure de sommeil avant de marcher. L'équipe est sur le départ. L'ambiance est à la rigolade et la détente. Ils me mettent tout de suite à l'aise et me proposent même d'enlever le voile si ça me gène, car eux sont contre ce principe "obligatoire".

     

    Ci-contre, Amin, compagnon de route pour cette virée en montagne, griffonne sur notre carnet un petit cours de géographie. 

     

     

    Les 5 hommes, entre 30 et 40 ans, travaillent pour une compagnie pétrolière dans le Sud Ouest de l'Iran, dans la province du Khouzestan. Ils sont employés par le gouvernement dans la même région d'où proviennent les nomades. D'ailleurs, deux d'entre eux sont eux-mêmes Bakhtiaris. C'est comme ça qu'ils nous expliquent, eux aussi, les coutumes et les traditions locales. Rapidement sur la montée, nous croisons des campements.

     

    Un muret en pierre sur lequel est fixée une toile, surélevée au centre par des bâtons, constitue le lieu de vie des bakhtiaris pendant près de quatre mois. Peu de fioritures à l'interieur. De simples valises en fer et des tapis. A l'extérieur, un foyer alimenté par du bois cherché dans la vallée constitue la cuisine sommaire.

      

    On nous explique que le trépied en bois sous lequel pend une peau de chèvre sert de séparateur entre le lait et le beurre. Nous ne nous arrêtons pas tout de suite, car l'ascenssion du Mont Jaune à 4050 metres d'altitude nous attend. Nous aurons l'occasion d'en savoir plus le soir même, car nous dormirons juste à côté de camps nomades dans un autre vallon.

     

    Les pauses au bord du cours d'eau sont un réel plaisir. Malgré l'altitude, le soleil pique la peau. Le petit dejeuner est constitué de pain plat (un style de crêpe) et de fromage frais. Nous croisons des troupeaux de chèvres a poil long.

     

    Les enfants gardent les troupeaux de chèvres.

     

    Ils sont repérables de loin car les meneuses portent des cloches dont les sonorités nous sont bien familières. Les vaches ne seraient pas adaptées à ce climat, et mis a part les quelques troupeaux de moutons croisés au départ, seules les chèvres semblent peupler la montagne. Certaines ont la tête teintée au hennée ce qui leur donne une drôle d'allure rouquine. D'autres ont les mamelles protegées avec un bout de tissus, pour éviter qu'elles ne se blessent sur les rochers calcaires abrasifs, et aussi pour éviter aux jeunes de têter. Car le lait de chèvre est précieux et constitue la base du régime alimentaire des familles. Yahourt, fromages lactiques plus ou moins frais, fromage issu du petit lait très acide (marron!), beurre, huile de beurre...

      

    Produit laitier nommé ghara, au gout citronné. Obtenu après séparation de la crème et du lait. Le lait est chauffé et égoutter. Le liquide récupéré est à son tour chauffé et donne le ghara. Chacun des produits obtenus tout au long de ce processus est valorisé pour la consommation humaine.  

      

    Les femmes travaillent sans relâche. C'est à elles qu'incombe la tâche d'aller chercher l'eau. Elles portent parfois plus de 20 kg à bout de bras sur plusieurs kilomètres quand la source est loin du camp. C'est aussi elles qui traient, transforment le lait, cherchent du bois, cuisinent... Les hommes gardent le troupeau, et se reposent (!) car ils ont accumulé beaucoup de fatigue au moment de la transhumance nous dit-on.

      

    Il faut parfois marcher pendant des heures pour récupérer du bois. 

     

    Depuis l'arrivée en Iran, je suis un peu frustrée car nos rencontres sont essentiellement masculines. Les femmes se cachent, dans tous les sens du terme. Sous leur tchador, elles ne mangent pas avec nous... La séparation h/f est permanente et il faudrait que je sois seule pour qu'elles soient en confiance. Je suppose que c'est le debut et que la suite me permettra d'entrer un peu plus dans la sphère féminine!

     

    Après une petite séance d'escalade, l'arrivée au sommet est grandiose. On admire le panorama, et comme il est de coutume, on se prend en photo sous tous les angles sans oublier personne. Les iraniens adorent se prendre en photo, peu importe la qualité de l'arrière plan tant que tout le monde y est.  Ils chantent, ils rient, ils pleurent. Beaucoup d'émotions en ce lieu, terre mère de certains.

     
    Au sommet, heureux, certains se mettent à danser. En redescendant, une pause méritée au bord d'un ruisseau, donne des ailes à Amin qui se met à chanter des airs bakhtiaris.

    Au sommet du Mont Jaune. 

      

    La descente nous amène dans un vallon encaissé, sur une langue de neige impressionnante. On apperçoit de loin deux hommes qui nous crient quelque chose. Seyed, un de nos joyeux compagnons, nous traduit : nous sommes sur leur terre, et ils veulent savoir qui l'on est... Nous arrivons au campement.

      Campement d'une famille de nomades bakhtiarie.

    Le père de famille a du partir en ville, et seule la mère et ses deux filles sont présentes. Impossible pour elles d'inviter des hommes sans la présence du chef de famille. Nous irons donc planter la tente plus loin, au bord de la rivière. Habib me propose quand même de m'accompagner, puisque je suis une fille, j'aurais droit à un moment privilegié avec elles. Elles m'offrent du yahourt et une galette de pain au sucre avec des plantes, un délice! Puis j'assiste à une séance de "séparateur" dans la peau de chèvre. Elle secoue énergiquement la peau d'avant en arrière. 


    Dans le vallon où nous bivouaquons, la neige et l'eau bien présents ont permis aux nomades d'établir leur campement pour l'été. Le soir venu, les chèvres sont ramenées pour la traite.

      
    Sépration du lait et de la crème

    Puis les filles prennent le relais et se passent la peau comme un ballon. Elles veulent faire une course avec moi dans la montagne pour savoir qui sera la plus rapide au sommet. Je leur assure qu'elles n'ont pas besoin de la course pour être sûres de gagner!

    Je repars avec un kg de fromage sec que nous partagerons au dîner. Habib m'explique que la transhumance dure près d'un mois à l'aller, car le groupe fait des pauses pour permettre au troupeau de manger l'herbe sur la route. Le chemin inverse est plus rapide puisque l'herbe se fait rare apres un été torride. Une école sous une tente est organisée avec un instituteur pour permettre aux enfants nomades de suivre leur programme avant et après les vacances d'été quand leur familles est déjà en route. Contrairement aux écoles ordinaires, les filles et les garçons étudient côte à côte. 

     

    La nuit fut courte, les chiens de protection n'étant pas habitué à voir des étrangers ont rodé autour de nous en aboyant à plusieurs reprises. L'écho dans le vallon amplifiait le son. Nous reprenons le chemin du retour, dans un canyon où l'eau gronde. Contraste impressionnant dans ces montagnes arides où la végétation peine à s'imposer. Nous arrivons sur le lieu du départ pour un ultime thé accompagné des réserves qui nous restent. Les "au revoir" sont encore une fois émouvant et nous sommes conviés à retrouver l'un à Téheran, et l'autre à Sari.

    Au moment de repartir, nous rencontrons deux hommes, Ali et Mohsen qui nous proposent de nous avancer vers Yasug où nous voulons passer la nuit. Là tout s'enchaîne, comme il est de coutume dans ce pays. Ils nous invitent à manger du poisson le midi, nous conduisent pendant plus de 3h de route avec une pause melon frais au bord d'un des plus grands lac d'Iran, s'arrêtent pour des pauses photo le long de la route magnifique bordée de cultures de riz et petits villages typiques, nous trouvent un petit hôtel où on nous offre chicha, pâtisseries... et ne nous ont même pas laissé payer le restaurant.... Hospitalité toujours...

     

    "ô mon frère, respecte l'invité et prends bien soin de lui...

    Car l'invité est le don de Dieu

    Car l'invité apporte avec lui une bénédiction et efface les péchés de l'hôte."

    Hâfez, poème du XIVème siècle

       

    Cultures de riz sur la route des monts Zagros

     

      
    Festival de couleurs pour le coucher du soleil, toujours sur la route des Monts Zagros

     

    Perrine

     


    Un peu de réclame pour Habib, notre guide dans les estives Bakhtiaries.  

     



     

    Invitation de Habib, au pays des Bakhtiaris.

       

    Saveurs de la fin du Ramadan

     

    Après 2 jours passés dans la bouillonante capitale iranienne, une "petite" escapade sur ses hauteurs avec Soheil (près de 2300m de denivelé à pied....), nous prenons un bus pour la ville de Sari, sur la côte de la Mer Caspienne. Notre bus traverse la chaine de l'Alborz, qui marque une nette frontière climatique entre les versants Sud et Nord. Le premier, très aride, contraste fortement avec l'épaisse forêt et les cultures subtropicales qui caractérisent le versant Nord qui surplombe la Mer Caspienne.
    D'un côté, la vie se concentre dans de profondes vallées irriguées, de l'autre, les villes et villages s'étalent sur la côte, au milieu des champs de riz. 

    Cultures de riz dans l'arrière pays de Sari

    A Sari, nous sommes surpris par l'atmosphère étouffante à la sortie du bus : chaleur et humidité ne font pas bon ménage. Davud, notre ami iranien rencontré pendant notre randonnée dans les Monts Zagros, nous accueille au sein de sa famille, dans la maison de ses parents.

    Nous arrivons pour les derniers jours du Ramadan : l'ambiance est donc à la fête! Toute la famille attend le verdict du clergé chiite pour savoir si le jeune va prendre fin le lendemain ou le surlendemain. Le Ramadan se termine en effet dès que la nouvelle lune fait son apparition. C'est aux religieux d'en juger, par l'observation de l'astre. La télé parle : c'est donc demain que l'on pourra se remettre à manger à toute heure de la journée!

    Nous découvrons une famille d'artistes talentueux. Le père réalise des tableaux en marquetterie sublimes, la mère des tableaux en perles, Davud et sa soeur s'adonnent à la calligraphie. Les hommes de la famille sont également tous musiciens et maîtrisent les instruments traditionnels : cithare, ney (genre de flûte), daff (genre de tambour), santur (ancêtre du piano), kamanche (genre de violon).

    L'archéologie est une autre passion dans la famille : on nous présente des objets vieux de 3000 ans, trouvés dans des sépultures de la région, en pleine forêt. Couteaux, pots et perles en terre, bijoux en bronze… tous remarquablement bien conservés et aux formes parfois étonnament modernes.
    En fin de soirée, nous avons la chance d'assister à des chants soufis**, accompagnés de daff et cithare. Puissant et captivant!


    Poème soufi du Pakistan, en farsi, en musique chez le père de Davud. 


    Explication du poème par Davud : "Nous sommes juste de passage".

     

    Le lendemain, nous nous rendons à Langar, village situé dans l'arrière pays de la côte caspienne, où nous rejoignons la famille de Davud pour fêter la fin du Ramadan.
    Su la route, nous decouvrons de magnifiques vallées façonnées par des terrasses de riz au vert flamboyant. C'est l'époque de la moisson. Davud nous explique que le riz a été importé par les indiens il y a plus de 2000 ans.
    A Langar, nous decouvrons un paysage quasi alpin. Nous apprecions la fraîcheur de l'air. Nous faisons connaissance avec la famille : 23 personnes sont rassemblées pour ce week end, toutes générations confondues.

    L'ambiance est chaleureuse et détendue. Perrine savoure la vie sans voile. Le week end est rythmé par des balades en montagne (où le but final est une source : les iraniens vouent une passion pour les sources), de copieux et succulents repas : brochettes de viande, dizi (pois chiches et viandes broyés accompagnés de pains, poivrons et oignons), salades de patates délicieusement agrémentée. Nous assistons à une belle séance de chant accompagnée par le daff et le kamanche.


    Une des sources où nous nous rendons, dans les environs de Langar. L'eau qui sort y est chaude, salée et parfois chargée de bulles...


    Chant de la famille accompagné au daff et au kamanche. 

    Nous faisons la connaissance d'un paysan, alors en pleine récolte de miel. Son rucher se situe à une centaine de mètres de la maison où nous logeons. Accompagné de Davud, qui effectue la traduction, nous en apprenons un peu plus sur l'apiculture de la région.

    L'apiculteur avec qui nous discutons possède environ 100 ruches, en plus de son troupeau de brebis et de quelques vaches. Il produit du miel uniquement, qu'il vend en direct auprès de son propre réseau de consommateurs. Parfois, il lui arrive aussi de vendre une partie de sa production à un intermediaire qui se charge d'effectuer la vente à la ville.
    Il récolte ici un miel de montagne réputé en Iran, issu d'une plante nommée "avichane" (traduction phonétique).

    Récolte du miel à Langar. 

    En début de saison, il a produit un miel d'agrumes (oranger et citronnier) sur la côte caspienne.

    Il va maintenant redescendre plus bas, dans la jungle (forêt) comme l'on dit ici, avant d'hiverner sur la côte.
    Si l'hiver est trop rude, le rucher sera deplacé dans le Sud de l'Iran.

    Ces branchages et feuillages ont pour but d'isoler les ruches des températures extrêmes estivales et ainsi s'assurer que les abeilles ne chôment pas trop! 

    Ses ruches sont couvertes de branchages afin de réduire la chaleur au sein de l'édifice. Cette technique permet d'augmenter la productivité des abeilles.

    Auparavant, le miel était une production très courante dans la région mais le savoir faire s'est perdu. On compte dorénavant peu de ruchers. De plus, la filière apicole n'est pas structurée et les débouchés sont difficiles à trouver.
    La région fournit aussi un miel issu de ruches "sauvages", récolté et vendu à prix d'or.
    Le cheptel ne connaît pas de surmortalité comme en France. 


    Discussion avec l'apiculteur. Davud joue le rôle d'interprête.

     

    Sur les sentiers de l'Alborz, "Khaste Nabashid"

     

    Après deux jours passés parmi la famille de Davud, nous décidons de poursuivre notre route vers l'Est de la chaine de l'Alborz. Nous souhaitons realiser une traversée de la chaine à pied afin de mieux observer les contrastes entre les deux versants et les agricultures qui y sont associées. Notre départ est festif : un dejeuner de roi nous attend, les enfants jouent de la musique pour nous et l'on nous offre des fruits secs et des chocolats. Accueil exceptionnel, inoubliable...

    Dans la shpère privée, certaines femmes se dévoilent au sens propre comme au figuré. Elles aspirent à plus de liberté et à un traitement égalitaire. Pour une femme, faire du vélo est un acte militant voire révoltionnaire! 

    Nous longeons la côte Sud de la mer Caspienne, dans un bus qui nous emmène à Tonekabon, ville située au pied de la vallée que nous souhaitons remonter à pied. Davud nous a mis en contact avec le représentant local de la fédération des sports de montagne iranienne. Younes, c'est son nom, nous accueille chez sa mère, où vit aussi sa soeur, Arezou. Nous sympathisons très rapidement avec Arezou avec qui nous partageons les mêmes passions : montagne, nature... Elle est étudiante en foresterie.

    Younes et sa soeur nous accompagnent pour le premier jour de notre traversée. Nous prenons la route au petit matin, sous la pluie (nous n'avions pas vu une goutte depuis plus d'un mois). Au démarrage de la voiture, la mère de Younes jette une bassine d'eau sur le véhicule, geste censé apporté la chance aux voyageurs.

    Le massif escarpé de la chaine de l'Alborz. 

    Au bout d'une demi heure, la pluie cesse subitement. La route est sèche, il n'a pas plu ici. Le bitume disparaît et c'est maintenant sur une piste récemment tracée que nous roulons. Par endroit, on devine encore le sentier muletier, taillé dans la montagne et encore emprunté il y a quelques années. 

    Brume matinale sur le versan caspien

    Les villages de la haute vallée sont en pleine mutation. Des bâtisses récentes prennent la place d'anciennes constructions en terre et bois, souvent à moitié en ruines. Ici, les paysans cultivent, en terrasse, des haricots et des courges. Ils entretiennent également de magnifiques noyeraies. Ils sont aussi éleveurs de brebis. Dans les prés, c'est la période des foins. Des caravanes d'âne redescendent le fourrage.

    Les ânes s'aprètent à redescendre le foin. 

    Nous rejoignons les trois derniers villages par l'ancien sentier, toujours d'usage. Nous croisons des hommes et des femmes qui nous lancent tous : "Khaste Nabashid", ne soyez pas fatigués. Façon de saluer le marcheur et de lui souhaiter bonne route. 

    Pause petit dejeuner au bord de la source

    Younes nous accompagne jusqu'au dernier village avant de redescendre à toute vitesse à la voiture : son travail l'attend.

    Nous finissons l'ascension dans le brouillard : la mer Caspienne n'est pas loin. Au col, un ancien caravansérail rappelle la difficulté de cette route : il fallait plusieurs jours pour rejoindre les deux vallées. L'édifice servait de refuge aux caravanes.

    Nous basculons sur la vallée de l'Alamut et retrouvons le soleil éclatant de l'Iran. En contrebas, nous devinons le village de Pichebon où nous passerons la nuit. Le cadre est grandiose : sources et ruisseaux, prés de fauche, cultures (les haricots ont fait place aux patates) et futaies de peupliers. Au loin, de hauts pics partiellement couverts de neiges éternelles. 

    A pichebon, les paysans sont en pleine période de fenaison. Le foin, coupé à l'aide de motofaucheuses, est ramené à dos de mûles. 

    Nous sommes ici aussi en pleine période de fenaison : les motofaucheuses sont en action et l'on stocke le fourrage à l'exterieur, sous forme d'énormes pyramides. Nous redescendons le lendemain matin plus bas dans la vallée pour prendre un véhicule en direction de Tabriz.
    Nous faisons la connaissance d'un patron d'hôtel. Nous réentendons le même discours, qui sort spontanément après que les présentations aient été faites, le refrain de notre voyage en Iran : "Ici, nous ne sommes pas libres, le pays va mal. On nous impose la religion et l'économie est mauvaise." Il nous explique l'émigration des gens du village, aux USA, au Canada, en Suède ou en Allemagne. Souvent des personnes diplômés : c'est la fuite des cerveaux! On retrouve aussi la même gentillesse : on nous offre une délicieuse glace au safran. L'iran quoi!

    Fabien

    *Chaikhane : maison de thé

    **Soufisme : voie mystique de l'Islam. Les ordres soufis ont connu en Iran plusieurs vagues de persécution depuis la Révolution islamique.


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  • L'épreuve des frontières - la splendeur de Boukhara

     

     

    Nous quittons le Tadjikistan le 28 juillet apres 5 semaines de vadrouille paysano-montagnarde et quelques jours de démarches administratives pour l' obtention des visas  turkmènes et iraniens. Direction l'Iran, en passant par l' Ouzbekistan et le Turkménistan. L'entrée en territoire ouzbek nous surprend : rapide visite médicale, déclaration des biens en possession, inspection des bagages, antipathie des agents...

      

    En route vers l Iran : steppes, desert et splendeur de Boukhara

    Optimisation de la lada pour le transport de coton, à Boukhara

     

    Nous mettons 2h00 pour franchir la frontière. Nos visas tamponnés, nous prenons un taxi collectif qui nous mène a Boukhara, ville oasis, ancienne cité de la route de la Soie. En chemin, un poste de contrôle policier nous impose un arrêt des plus désagréables. Apparemment peu de voitures y échappent au vu de l'activité du site et du nombre de personnes qui attendent. Il faut vider la voiture. Inspection totale : chiens et même vérification du réservoir à essence. Pendant ce temps, des agents des plus détestables fouillent vos bagages et suivant leur humeur ou l'estimation de votre délit de faciès peuvent vous faire vider la totalite de vos sacs, étalant vos affaires personnelles aux yeux de tous. On vous questionne sur vos origines, votre raison d'être en Ouzbekistan et certains vous aboient dans l'oreille si vous ne comprenez pas. Le tout bien sûr, en plein caniard. L'Ouzbekistan est reputé pour être un état policier : pas de doutes!

      

    De nouveau en voiture, nous nous détendons à l'approche de Boukhara : nous apercevons des chameaux parcourant le paysage semi désertique de la steppe ouzbek.

    En route vers l Iran : steppes, desert et splendeur de BoukharaKhanaka (siège des soufis) de Nadir Divanbeghi.

     

    Nous arrivons à Boukhara en fin de journée. Nous y resterons un peu plus de deux jours, logés dans la guesthouse de Mobinjon, un boukhariote excentrique qui restaure progressivement sa maison du 17 ème siècle (un vrai musée). La ville est superbe : monuments dignes des contes des mille et une nuits (palais, mosquées, medersas...), médina paisible, habitants accueillants... Boukhara sera notre seule étape dans les cités asiatiques de la route de la soie.


    Ambiance grouillante au marché aux bijoux de Boukhara, uniquement tenu par des femmes.

    En route vers l Iran : steppes, desert et splendeur de Boukhara 

    Au pied du Minaret Kalon, construit en 1127 et d'une hauteur de 48 mètres!


    En route vers l Iran : steppes, desert et splendeur de BoukharaA droite, le minaret Kalon, épargné par Gengis Khan. A gauche, la medersa Mir-i-Arab (construite en 1535).

      

    Nous continuons notre route vers l'Ouest. Il nous faut maintenant traverser le Turkmenistan avant notre arrivée en Iran. Le Turkmenistan est étonnant : un immense désert irrigué depuis l'époque soviétique pour la production du coton (en partie responsable de l'assèchement de la mer d'Aral), des villes qui paraissent relativement riches, aux bâtiments publics flambants neufs, à l' architecture résolument moderne, le portait du président partout... Le Turkmenistan est une dictature, qui entretient le culte du president, maintenue dans un état relativement paisible grâce aux revenus pétroliers et du gaz.

    La sortie du pays nous réserve une petite surprise que je redoutais depuis le départ : l'agent à la frontière refuse de tamponner mon visa... Pendant 10 minutes, il répète la même question en faisant un signe négatif de la tête : c' est vous sur la photo? Je lui explique que cette photo a plus de 8 ans, que j'ai perdu beaucoup de cheveux et que mon visage s'est aminci notamment depuis le début du voyage... Mais il a decidé de m emm.... Je dois sortir les photos de famille pour réussir à le convaincre...

     

    Nous franchissons ensuite le no man's land qui constitue toute frontière turkmene : 1 ou 2 km de vide absolu surveillé du haut des miradors. Des bus transportent les voyageurs d'un bout à l'autre.

    Côté iranien, nous changeons radicalement d'ambiance. Perrine doit revêtir le hidjab en rigueur dans la République Islamique d'Iran.On lui indique le très léger decolleté ( si on peut appeler ça comme ça : 3cm au plus et au niveau du coup!) qu'il faut se dépêcher de cacher à l'aide d'une épingle.

    Dans le poste de frontière climatisé et flambant neuf, des télés diffusent des cérémonies et discours religieux. L'obention du tampon d'entrée sur le visa se fait sans encombre, l'accueil est agréable et fait écho à ce que nous avons entendu de l'Iran jusqu à maintenant. Ce réjouissement sera de courte durée. Nos premières heures en Iran sont déroutantes et contrariantes. Nous démarrons par un repas attendu, dans une petite gargotte de routiers en face du poste frontière. L'accueil est froid et le prix nous fait l'effet d'une douche glaciale : il nous faut débourser 10 dollars pour un plat de poulet et de riz!

    Nous refusons, nous ne nous comprenons pas (ou bien il ne veut pas nous comprendre!?). Lassés, nous finisons par payer. Entre temps, nous réalisons que la table de routiers derrière nous s'est tranquillement servi dans notre bouteille d'eau minérale. Nous partons la bouche sèche et les poches vides... La recherche d'un taxi n'est pas plus aisée : comme aux abords de toutes les frontières, nous sommes pris d'assaut par des chauffeurs sans scrupules qui s' entendent d'avance sur des prix exorbitants...Nous décidons de filer vers la ville la plus proche pour prendre un transport en commun.

      

    A la gare routière, nous trouvons un bus pour nous emmener à Machhad où nous souhaitons faire étape durant quelques jours. Pendant l'achat des billets, un homme me demande d'où je viens. Il me reépond par un geste obscène de la main, signifiant que chez nous le sexe est facile! Je suis sidéré : depuis le début du voyage, ce coup là est une première et nous sommes en Iran!

    Plus tard, je surprends une femme dissimulée derrière une porte de voiture en train de nous prendre en photo comme si nous étions des bêtes de cirque. Elle porte le tchador comme la majorité des femmes dans cette ville : la vision de cette tenue nous désole : ce noir profond est d'une tristesse effrayante. Cette tenue integrale donne une allure de fantômes aux femmes.

    L'ambiance est morne et tendue. Cerise sur le gateau, un père giffle violemment son fils au milieu du hall de la gare.

      

    Apres une longue attente sous des températures difficilement supportables, un bus arrive mais refuse de nous faire monter. Nous restons tous les deux, sacs sur le dos, consternés... incompréhension car il part pourtant vers notre destination et à l'heure pour laquelle nous avons pris nos billets. Personne n' est en mesure de nous expliquer : personne ne parle anglais!

    La série noire : il ya des moments comme ça... Un bus, nous embarque quelques minutes plus tard .

    Nous roulons vers Machhad, effaré par un tel début en Iran. Un mythe s' effondre. Où est le pays dont on nous a tant parlé? Son accueil légendaire, ses habitants si sympathiques?

     

    Les jours suivants, nous nous réconcilirons rapidement avec l'Iran...

    Fabien


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