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    Roumanie, terre paysanne

     

    Où se situent plus de 30% des agriculteurs de l'Union Européenne? En Roumanie! Avec 4,5 millions de paysans, la campagne roumaine présente une scène rurale étonnament vive. Il n'y a qu'à observer le paysage pour s'en rendre compte : les terres agricoles, même les plus difficiles, sont encore utilisées et entretenues.

    Mais pour combien de temps encore? L'association roumaine Ecoruralis* tire la sonnette d'alarme et tente de promouvoir et défendre la paysannerie du pays. Nous avons rencontré Attila, coordinateur et seul salarié de l'association, qui nous a présenté les missions de sa structure et résumé la situation des paysans roumains.
     
    "Avec une moyenne d'âge de 55 ans, les paysans roumains, certes toujours nombreux, sont appelés à disparaître dans les prochaines années." Principale raison avancée : le sous développement flagrant des campagnes et le manque de volonté politique pour maintenir une agriculture paysanne.  

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    Face à cette problématique, Ecoruralis, fondée en 2008, s'est donnée pour mission de porter la parole des millions de travailleurs silencieux des campagnes roumaines. "Nous voulons rendre conscients les paysans et plus largement la société civile du rôle capital de la paysannerie dans notre société. Nous souhaitons défendre leurs intérêts et les amener à se fédérer pour être plus forts et plus visibles."

    "Paysan n'est pas un métier reconnu, contrairement à celui d'agriculteur. Ces gens travaillent, certes d'abord pour leur propre survie mais ils fournissent beaucoup plus à la société : une nourriture saine, des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement, l'entretien et la vie du territoire... Faute de soutien et face aux valeurs actuelles de notre société, les paysans subissent leurs conditions et ne sont pas fiers. Pour être fiers et optimistes, il faut être supporté et c'est ce qu'essaie de faire Ecoruralis."  
     
    Attila nous explique également les difficultés liées aux conséquences de l'époque communiste. "Pour se faire entendre et travailler, il est nécessaire de se fédérer. Mais les roumains ont un trop mauvais souvenir du collectif. Ils se sont faits roulés par le communisme et restent maintenant très méfiants." "Mais certaines initiatives collectives font leur preuve aujourd'hui et nous essayons de mettre en avant les expériences qui marchent, comme celle de Ferma Topa." (voir plus bas).
    Ainsi, le nombre d'adhérents de la jeune association reste modeste (150), mais petit à petit l'idée fait son chemin et de plus en plus de paysans rejoignent Ecoruralis. 

    RoumaniePaysage des Carpates. Ces brebis n'ont plus beaucoup de valeur sur le marché. Elles contribuent à l'autosuffisance de la ferme. 

    Aujourd'hui, après 4 années d'existence, Ecoruralis développe 4 programmes d'action principaux, financés par des fondations privées, principalement pour des soucis d'efficacité. "Avec des financements publics, on passe plus de temps à la recherche de fonds et à la justification des dépenses qu'au travail concret!" 
     
    La première mission, historiquement, consiste à développer le programme d'échange international WWOOF en Roumanie**. L'association a vu le jour grâce à cette action et avec le soutien de l'organisation internationale qui porte ce projet. Rappelons, que le WWOOF permet de mettre les  paysans en contactavec des bénévoles via un site internet.En échange du travail fourni les volontaires bénificient du gîte et du couvert. Plus qu'une simple main d'oeuvre supplémentaire, le WWOOFing comme on dit, permet un échange d'idées et de compétences. 
     
    Membre de l'Union Européenne depuis 2007, la Roumanie bénéficie depuis des aides financières de la Politique Agricole Commune. Dans la perspective de la nouvelle PAC, qui sera mise en oeuvre en 2014, Ecoruralis participe à l'élaboration du futur programme européen en promouvant les intérêts despaysansen Roumanie et enEurope de l'Est. L'association est membre de la plateforme internationale Via Campesina*** qui lui donne une légitimité supplémentaire, localement et internationalement, ainsi qu'une échelle de réflexion et d'action plus pertinente. L'idée défendue : plus de reconnaissance pour l'agriculture paysanne face à une Union Européenne qui a jusque là favoriser une agriculture compétitive à l'échelle internationale.
     
    Depuis peu, Ecoruralis travaille également sur un sujet de plus en plus pregnant, appelé dans le jargon "l'accaparement des terres". Ainsi, de plus en plus de terres agricoles deviennent la propriété de grands groupes internationaux ou de particuliers fortunés. Aujourd'hui, 9,5 % des terres agricoles roumaines appartiennent à des firmes étrangères. Sans compter donc, les grands propriétaires fonciers roumains dont la surface des domaines ne fait qu'augmenter.
    Au premier abord, on peut ne voir que peu d'inconvénients à ce phénomène. Mais il s'agit d'une menace pour la sécurité alimentaire du pays et le maintien d'une agriculture paysanne gage d'une campagne vivante et sereine. La dépendance aux marchés internationaux augmente ainsi que la soumission aux spéculateurs. Dans un pays où l'autosuffisance est encore largement présente, le phénomène paraît d'autant plus dangereux!
    Le foncier agricole roumain est aussi la proie de grands projets d'aménagements, souvent consommateur de bonnes terres agricoles, tels que mines, barrages, aéroports, zones commerciales...
    Ecoruralis s'est emparé de ce sujet brûlant et complexe (ces grands mouvements fonciers se font dans la légalité). Un rapport sur la problématique est en cours de réalisation. Il contribuera à un document à l'échelle européenne qui devrait être publié en 2014. Date à laquelle le marché européen du foncier sera totalement libéralisé...

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    Enfin, quatrième mission et non des moindres aussi, le maintien des semences traditionnelles. Comme l'a souligné Attila, " les graines sont à la base de l'agriculture. Nous souhaitons contribuer au maintien de ce patrimoine. C'est aussi pour nous une manière de garder un pied dans la terre, dans le concret."
    Nous collectons et distribuons les semences paysannes. "Nous ne sommes pas une banque génétique qui stocke. Les semences n'ont rien à faire dans un coffre. Une graine doit être diffusée, multipliée, sans ça nous ne voyons pas l'intérêt." "La souveraineté alimentaire commence aussi à partir des graines."
    La tache est d'autant plus intéressante, que dans un pays comme la Roumanie, la diversité génétique des semences paysannes a très probablement subsisté jusqu'à aujourd'hui. Un patrimoine inestimable donc qu'Ecoruralis s'efforce de maintenir en vie. 
     
    Vous l'aurez sûrement constaté, Ecoruralis fourni un travail fondamental pour le maintien de la paysannerie roumaine. La Roumanie est une chance pour l'Union Européenne. Un pays dont les racines paysannes sont encore vivantes tandis que l'agriculture productiviste et industrielle chez nous ronge nos campagnes et notre santé. Abandonner ces 4,5 millions de paysans serait une catastrophe. Au lieu de cela, nous partageons avec Ecoruralis la volonté d'une politique en faveur d'un développement rural solidaire et écologique. 
     
    Pour illustrer ces belles paroles, nous vous présentons ci dessous le portrait de deux fermes, totalement différentes. La première, traditionnelle mais vulnérable. La seconde, innovante et porteuse d'espoir...
     
    Fabien
     

    Paysans des Carpates

     

    Plusieurs adresses nous ont été données pour faire du wwoofing en Roumanie, mais une retient particulièrement notre attention. La ferme Duicu est située en montagne, à 1100 mètres d'altitude, au coeur du parc national Piatra Craiului. C'est une exploitation de petite taille et familiale. Étant injoignable par téléphone et par mail, nous nous lançons dans une petite enquête pour savoir dans quel village se situe la ferme. A Brann, en Transylvanie, on nous indique que le village n'est pas très loin. Nous prenons alors un bus, puis nous marchons une bonne heure en demandant aux habitants si ils connaissent les Duicu.


    Dans le village de Magura. "Buna Ziua!" (bonjour)

    Nous arrivons enfin, Joseph est en train de réparer son véhicule. Après une rapide présentation, nous sommes "embauchés", et dans le quart d'heure qui suit, Fabien trie du bois à fendre et je ramasse les feuilles mortes des fruitiers pour donner aux vaches. 


    Préparation de l'hiver. Nous fendons du bois et ratissons les feuilles dans le jardin et la forêt. Le feuillage sec servira comme litière pour le bétail.

    Ça n'a pas traîné! Sa mère, Alexandrina, a l'épaule cassée, ce qui a relativement ralenti les activités de la ferme pendant quelques temps. La météo favorable nous aura permis pendant ce séjour de nous adonner aux activités de plein air en prévision d'un hiver froid et long. Car dans cette région, la neige peut bloquer les accès pendant plusieurs jours, et les réserves de fourrage, de bois et de nourriture doivent êtres suffisantes.

    RoumanieAlexandrina, la mère de Jospeh et Maria, ramène à la ferme le troupeau de brebis pour la nuit.

    Joseph et sa soeur, Maria, sont âgés d'une quarantaine d'années. Leurs journées sont rythmées par l'alimentation des animaux. D'abord Piggy, le cochon, puis les trois vaches (Stella, Alba et Princessa), les dix brebis, les chiens et les chats. Il faut aussi traire les vaches matin et soir.


    Andreï le chat.

    Les chats attendent leur part de lait.


    A l'automne, les 3 vaches broutent l'herbe autour de la ferme. Après la traite matinale, Maria les régale avec une gamelle chacune, remplie de farine de blé et de déchets de fruits et légumes.

    Tous les deux ou trois jours, lorsque l'on obtient près de 10 litres de lait, Maria fait du formage. La présure utilisée est issu de la panse d'un veau de lait séchée. On mélange un morceau à de l'eau puis au lait, qui caille en quelques minutes. Si vous voulez la recette entière, on pourra vous donner les petits secrets de fabrication! 

    RoumanieMaria transforme le lait en un fromage à pâte pressée non cuite. Il pourra être fumé par la suite.

    La cuisine se fait sur le poele, il faut donc régulièrement fendre du bois pour l'alimenter. Les autres travaux dépendent des saisons. L'été, deux vaches montent à l'alpage ainsi que les moutons. Ils sont confiés aux bergers qui se doivent de fournir une partie du fromage produit à la fin de l'estive. Ils vendront le reste, ce qui complétera leur salaire. C'est aussi la période des foins où il faut s'affairer dans les pentes raides à la faux, puis construire les fameuses meules de foin. Pour cela, les Duicu emploient des hommes car c'est un travail difficile et physique. Pendant que Maria leur prépare les repas, Joseph gère les équipes avec de la zuica, sorte de gnôle de prune ou de pomme. "Il faut maintenir le moral, avec du gras de jambon, c'est un super carburant! Mais, attention... pas plus de deux verres!" Nous dit-il.  Le relief ne permet pas l'utilisation de tracteurs en montagne. Beaucoup de paysans ont donc des chevaux pour les travaux de force, et une charrette pour tous types de transport. Mais Joseph tient à son vieux camion sur lequel il veut installer un treuil. Cela l'oblige à aménager certaines parties de l'exploitation pour pouvoir passer avec un véhicule. Pendant notre séjour, nous avons nivelé une piste pour qu'il puisse acheminer le fumier vers son champ et l’épandre plus facilement à l'aide du treuil. Sinon, c'est à la fourche. 
    En 1998, avant la mise en place du parc national, La famille a fait le choix d'investir dans un gîte. Il s'agit de pourvoir diversifier leur activité et ainsi assurer à la famille un autre revenu. Pour l'instant, la ferme permet juste de fournir de quoi s'alimenter et très peu de produits sont vendus : des pommes séchées, des fruits quand il y en a trop et quelques fromages.  Les pesticides et fertilisants de synthèses étant trop cher, la production est biologique. Demander le label coûterait également et l'intérêt reste limité puisque les ventes sont encore très faibles. 
     
    La zuica est produite sur place. Il y a quelques années encore un alambic était situé dans la petite cabane au bout du pré, à l'abri d'éventuelles inspections de l'administration communiste. Le régime contrôlait strictement les productions, et il fallait remplir les objectifs. Pour la zuica, cela restait secret. Lors de ces contrôles, les paysans s'organisaient pour cacher une partie de leurs  troupeaux. A chaque visite dans un village, le mot était donné et ils s’arrangeaient pour les faire passer dans un village voisin, ou même pour les cacher dans la pièce de vie des familles. Si les objectifs de production n'étaient pas remplis, les rations de pain n'étaient pas distribuées.
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    La ferme Duicu était un lieu de collecte de lait à l'époque communiste. A l'entrée du village, c'était un point stratégique pour organiser la mise en commun de la production du village. Elle a d'ailleurs continué après le communisme et c'est la grand-mère de la famille qui en était la responsable. Depuis l'entrée dans l'Union Européenne, les règles d'hygiènes devenues plus strictes et la très faible rentabilité d'une collecte dans des lieux difficiles d'accès en hiver ont fait disparaître cette activité. Les familles ont donc réduit leurs troupeaux et transforment leur lait en fromage pour leur propre consommation. 
     
    L'alambic a été volé il y a 4 ans. C'est donc chez la voisine que se passe la distillation. Les relations de voisinage sont ambiguës.  Nous avons entendu beaucoup d'histoires de conflits, de comptes rendus et à rendre. Cependant, il semble que l'entraide soit indispensable et que ce genre de différend soit courant dans des milieux relativement peut ouverts sur l'extérieur. Helena, "professionnelle de la meule de foin", raconte les journées d'été il y a une quarantaine d'années. Tous les moyens du village étaient mutualisés pour faire les foins. Chaque jour chez une personne différente. Le soir, ils se retrouvaient tous pour le repas, jouaient de la musique et dansaient jusqu'à la pointe du jour. En dix jours, tous les foins étaient faits et tout le monde était content.  Nous avons goûté  un peu de tout ça, dans une moindre mesure!
     
    Cette année l'été ayant été très sec, les foins récoltés ne sont pas suffisants. La famille a décidé d'acheter une meule à un voisin. Il a fallu la démonter par le haut, puis constituer des ballots qui ont été pesés. Nous avons transporté le tout à l'ancienne, à l'aide d'une barre en bois posée sur l'épaule. Les pauses sont nombreuses jusqu'au camion car la pente est très raide et le fardeau très lourd, entre 50 et 60 kilos.


    Constitution et pesée des ballots.

    Le foin est ensuite acheminé jusqu'à la ferme dans la remorque du 4*4, puis on reconstitue une meule à l'arrivée. La nuit déjà bien avancée, nous profitons d'une soupe brûlante accompagnée d'un verre de zuica bien chaud lui aussi. La vraie vie de paysan!  

    Joseph démonte la meule. Travail d'équilibriste!

    RoumanieHéléna constitue les balles de foin. Elle n'a pas oublié l'époque où l'entraide n'était pas un vain mot. Aujourd'hui elle donne encore volontiers un coup de main contre un peu de foin, un bon repas et un verre de zuika.

    RoumanieDans les montagnes des Carpates, pas de machines!

    Le dimanche, jour du Seigneur, on ne travaille pas (ou presque). Joseph nous conduit dans la vallée voisine. Il a les yeux qui brillent à mesure que nous montons sur les hauteurs. Il nous emmène voire une station de ski privée... dont les bâtiments flambant neufs et le nivellement des pistes ne s'intègre pas du tout au paysage. Ce nouveau lieu de villégiature est connu des roumains et le restaurant est plein, même un week end de novembre. Aux yeux de Joseph, c'est le symbole de la réussite, de l'esprit d'entreprise à l'initiative d'un seul homme. Impossible de compter sur les aides publiques roumaine pour quelque projet de développement. Alors cela donne de la force à notre paysan de voire que d'autres y sont arrivés. Pour nous, cela représente un site touristique sur-dimensionné au niveau de l'hébergement et une concurrence forte pour les gîtes à proximité. Les chalets au style Suisse tranchent littéralement avec les quelques granges traditionnelles roumaines à proximité.

    RoumanieC'est aussi à l'église que la famille aime se rendre le dimanche. Ils sont très croyants et aiment venir écouter la messe. "Ça recharge les batteries, encore plus qu'une grosse nuit de repos" nous confit Joseph. "L'Etat nous prend tout, mais il nous reste notre âme. "
     
    Ici comme ailleurs, les paysans et leur travaille ne sont pas reconnus à leur juste valeur. "Qui nourrit l'humanité?" s'exclame Joseph. "Les gens nous prennent pour des arriérés, naïfs, bêtes et faisant un travail sale. Mais arrivera un jour ou l'on se rappellera l'importance d'avoir une nourriture de bonne qualité." Joseph est pourtant loin de ce cliché paysan. Ayant grandi en ville et rejoint sa famille après plusieurs années de voyage, il a connu le système communiste et l'économie de marché. Il a une conscience environnementale marquée et voudrait contribuer à montrer l'exemple pour des pratiques respectueuses de l'environnement. Il trie ses déchets et souhaite inciter ses voisins à faire de même. Le problème, c'est qu'aucun ramassage collectif n'est organisé, malgré la taxe environnementale que tout le monde paye... Il est donc obligé de descendre lui-même ses poubelles au centre de tri. Joseph est souvent désabusé et ne croit plus en beaucoup de choses. La corruption (le Parc interdit les nouvelles construction. Cela n'empêche pas quelques amis de politiques de construire en ce moment même restaurant et maisons à plusieurs étage), les faux espoirs (des aides versées au nom de la PAC qu'il doit rétribuer car il en a touché trop), les guerres de voisinage (assainissement en eau collectif et difficulté de gestion), l'ont déjà trop déçus. Il a pourtant des projets et il croit en l'avenir.

    RoumaniePour faire de la bonne charcuterie, Piggy doit perdre ses attributs masculins...

    Perrine

     

    Ferma Topa, terre d'avenir 

     

    Sur le chemin du retour, nous faisons la dernière étape paysanne de ce voyage dans le village de Topa, en Transylvanie. Attila nous a conseillé de visiter une ferme au nom tout désigné "Ferma Topa", membre du réseau WWOOFING. Ferma Topa ne se situe pas en montagne mais son originalité a largement justifié notre arrêt.
     
    Fondée en 2004 par un duo de fondations roumaines et allemandes, la ferme portait initialement un projet essentiellement tournée vers l'éducation. Le but : donner la chance aux jeunes élèves qui terminent leur scolarité d'apprendre le métier de l'agriculture en respectant la nature et l'équilibre écologique.
    C'est à cette époque que Dan, qui travaille alors à l'école de Topa, s'implique fortement dans le projet. Depuis 2009, il est le coordinateur de la ferme. Le porteur initial du projet, allemand, a préféré transmettre la ferme à des locaux, pour plus de cohérence mais aussi pour des raisons économiques. "Dans un projet pareil, lorsque l'on est étranger, les gens du village vous testent et vous sollicitent. Mon prédécesseur, allemand, passait plus de temps à travailler pour les autres que pour son projet. Économiquement, ça n'était plus du tout viable. Il a donc préféré transmettre le flambeau à des locaux. Fortement impliqué dans le projet, je n'ai pas hésité. De plus, je venais de perdre mon travail et j'avais 4 enfants à nourrir et éduquer." explique Dan.

    RoumanieNature morte de légumes et fruits d'automne à la Ferma Topa

    Aujourd'hui, la ferme fait figure d'exemple dans le paysage agricole roumain. Le projet est maintenant économiquement viable et 4 personnes, toutes du village, y travaillent à temps plein : Dan, sa femme Tincutia, une salariée pour la transformation, un autre pour les travaux extérieurs. La production, entièrement labellisée BIO, est diversifiée et permet une autonomie complète pour l'alimentation de la famille et du troupeau de vaches, chèvres et brebis. Les liens avec le tissu social et économique local sont forts. L'entraide et la solidarité permet à la ferme de garder un lien vital avec le village.
    La commercialisation du fromage, du lait, et des produits transformés à base de légumes, fruits et fleurs, est réalisée dans la région via un magasin Biocoop et l'équivalent d'une AMAP de 40 consommateurs. On vient aussi acheter directement à la ferme.
    Un projet à contre courant de la tendance actuelle. "Le marché commun et la PAC ont cassé les dynamiques locales en Roumanie. La mise en concurrence avec l'Ouest de l'Europe fait disparaître les paysans roumains désarmés et désorganisés. Les petits marchés paysans ont perdu beaucoup d'importance. Le lait, par exemple est très mal payé. Il y a encore quelques années, il y avait une trentaine de vaches au village. Maintenant, il n'y en a plus que 4!"
    Plus qu'une simple entreprise agricole, Ferma Topa est un projet de développement local. Dan poursuit "Nous souhaitons montrer aux gens du pays qu'il est possible de vivre correctement de l'agriculture, autrement."
    Dan est un enfant du pays et connaît parfaitement les méfiances de ses voisins. "Mais pour changer les mentalités, il faut de la patience et ne pas brusquer les gens." Sans l'idée d'un système participatif et coopératif, le projet n'aurait jamais vu le jour et ne fonctionnerait pas. Face à ce principe, l'individualisme actuel des paysans est difficile à rompre. L'héritage de l'époque communiste est lourd. Mais Dan est optimiste. "Progressivement, les mentalités changent et aujourd'hui, certaines personnes réfléchissent à reproduire notre expérience."
     

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    On récolte les poivrons dans le séchoir solaire. Hachés, ils seront utilisés comme condiment alimentaire.
     
    Fabien

    *Ecoruralis : http://www.ecoruralis.ro/

    **WWOOF Roumanie : http://www.wwoof.ro/

    ***Via Campesina : http://viacampesina.org/fr/