• Monts Kaçkar : le thé et les Alpes
      

    Nous rejoignons la Turquie par un train de nuit, de Tbilissi à la ville frontalière de Batumi. De là, nous nous rendons en 1/2 h à Hopa, charmante petite ville située sur les bords de la mer Noire et dominée par les monts Kaçkar.
    Ici, la montagne se jette littéralement dans la mer.
    La région possède un climat sub-tropical particulièrement bien arrosée : les montagnes forment une véritable barrière à l'humidité provenant de la mer Noire.
    Ainsi, le littoral est propice et célèbre pour ses cultures de thé, productrices de thé noir. Une originalité, pour nous français, que nous décidons d'approfondir un peu plus.

    Cultures de thé au dessus de Hopa

    Et encore une fois, le hasard nous mène vers une belle rencontre : Tarik. Ce dernier nous propose initialement de l'aide dans la rue : nous sommes à la recherche de la Poste pour envoyer une lettre en France. Il parle anglais et ous apprenons rapidement que sa famille produit du thé sur les hauteurs de Hopa.
    Son travail fini, il nous mène en voiture vers les premières cultures au dessus de la ville. La récolte vient juste de se terminer : les champs sont malheureusement bien calmes pour nous. Néanmoins, le paysage est magnifique, les buissons de thé forment une épaisse couverture végétale verte foncée qui s'étalent sur des pentes incroyablement raides, au milieu de forêts très denses.
    La tante de Tarik nous présente une grande paire de ciseaux à laquelle est attachée un grand sac pour recueillir les feuilles de thé. Beaucoup de jeunes turques comme Tarik, ne veulent plus participer à la récolte trop fatigante et mal payée. On emploie pour l'occasion de la main d'oeuvre géorgienne bon marché (nombreux sont les géorgiens frontaliers qui viennent travailler en Turquie).

    La coopérative de Hopa s'occupe de venir chercher les feuilles fraîches dans chaque village pour les emmener à l'usine de transformation qu'un ami de Tarik nous fait visiter le lendemain matin. Photos interdites et visite éclaire en turque : nous n'avons pas compris grand chose mais ce fut tout de même très intéressant. Les principales étapes sont automatisées et réalisées à échelle industrielle. 
    Après avoir visité les cultures de thé, nous poursuivons la soirée chez Tarik où sa mère et sa soeur nous servent un excellent repas. La suite se passe chez un de ses amis où nous passons une soirée "à l'européenne" : discussions ouvertes avec verre d'alcool à la main. 

    Le lendemain, après avoir visité l'usine de fabrication de thé, nous partons randonner sur les hauteurs de Hopa, dans les cultures. Nous souhaitons profiter du paysage et mieux observer l'agriculture locale. De nombreux petits villages, très calmes, sont blottis en fond de vallée, à peine visibles dans la végétation luxuriante. Outre du thé, on y trouve quelques plantations de haricots. Les pentes sont parcourues par des câbles aériens transportant du matériel et les récoltes.


    En balade dans les cultures de thé, nous sommes intrigués par un léger bruit de fond métallique aux résonnances irréelles... Nous trouvons la source de ce bruit d'un autre monde en posant l'oreille sur le câble qui démarre juste à côté de nous. Et là, nous sommes directement propulsés dans une version de la "Guerre des étoiles" inédite. Les salves fusent dans tous les sens. Nous commençons sérieusement à nous interroger sur les effets du thé noir turque quand nous comprenons qu'il s'agit de la propagation de piaillements d'oiseaux posés plus loin sur le câble.  

    L'élevage semble réservé pour l'autosuffisance : nous croisons seulement quelques vaches. Après un superbe coucher de soleil sur la mer Noire, nous passons la nuit sous la tente, au milieu des cultures de thé.


    Appel à la prière en canon...

    Récolte des haricots rames au milieu des cultures de thé
     
    Au petit matin, nous prenons les services d'un dolmuç (minibus local) pour arriver à Yusufeli, de l'autre côté de la ligne de crête des monts Kaçkar, à l'intérieur des terres. Nous devons y rencontrer Ozkan, avec qui nous avons été mis en contact par le biais d'un ami franco-turque, Axel, dans le cadre d'un projet local de conservation et utilisation durable des forêts du Karçkar.
    Le secteur fait en effet parti de 34 points chauds définis au niveau mondial pour la préservation de la la biodiversité. A cette diversité biologique exceptionnelle s'ajoute une culture et une histoire particulièrement riche. La région se trouve à la croisée des influences turque musulmane et géorgienne chrétienne. On y trouve de nombreuses églises en ruines ou parfois transformées en mosquée et une musique traditionnelle particulièrement proche du voisin géorgien. 
     
    Côté agriculture, la vallée de Yusufeli présente également une incroyable diversité. Rizières, oliveraies, noyeraies et vignes de basse vallée laissent place en remontant aux vergers de pommes, aux prés de fauche, puis à d'immenses alpages. La montagne omniprésente n'a pas favorisé un développement agricole moderne. La déprise est forte et l'agriculture semble avant tout vivrière. Plus on remonte, plus les villages sont dépeuplés.

    La vallée fait face à une nouvelle menace qui risque tout simplement de rayer de nombreux villages de la carte ainsi que la ville de Yusufeli. Un projet de barrage gigantesque doit voir le jour d'ici quelques années. Les oppositions sont fortes.

    Nous arrivons à l'heure pour la récolte du riz qu'Ozkan nous emmène voir. Les femmes coupent les gerbes à la base qui sont ensuite amenées sur une plateforme bâchée. Chaque gerbe est frappée sur une pierre afin de faire sortir les grains de l'épi. 


    Battage du riz.

    Les femmes portent les gerbes sur les bâches pour en extraire les grains de riz
     
    Nous passons 4 jours dans les hautes vallées, marchant de village en village et à travers les alpages. Nous découvrons des villages "hors du temps" dont la ressemblance avec les Alpes est frappante. Les maisons sont faites en pierre pour le premier niveau puis en rondin de bois. D'imposantes cheminées en pierre ornent les bâtisses. Sur les portes en bois, on retrouve souvent des rosaces sculptées.

    Village de Pançet. 

    Les granges, faites entièrement en rondin de bois, contiennent l'étable au rez de chaussée. Le foin y est stocké à l'étage, en vrac. Autour des villages, quelques potagers, des prés de fauche et de grands vergers de pommiers dont la diversité est surprenante et les fruits succulents. L'accueil est toujours aussi chaleureux. Malgré la communication difficile (nous ne parlons pas le turque : grande frustration!), on nous offre des fruits, le thé et même des patates cuites à l'eau pour déjeuner. 
     
    Village de Pançet, la ressemblance avec les Alpes du Sud est frappante!


    Paysage des Monts Kaçkar, mis en musique par le muezin.

    Repos près d'un lac d'altitude avant de poursuivre notre chemin jusqu'au bivouac nocturne où nous attend une veillée au clair de lune, permise par les chaudes flammes de notre feu de bois.

    Ces villages sont étonnamment calmes. Seules quelques familles et des personnes âgées restent dorénavant l'hiver. Beaucoup de maisons ont un usage secondaire. Les familles parties s'établir à la ville reviennent pour l'été. La belle saison semble bien animée. On y organise des festivals avec danses traditionnelles et combats de taureaux. Les villages qui n'ont pas été reliés au réseau routier sont en ruines et le paysage portent les traces d'une fermeture rapide : la forêt revient à toute allure. L'élevage n 'est plus assez important pour maintenir les prés ouverts. Chacun a quelques vaches et une vingtaine de brebis au plus nous explique-t-on.
     
    Les petits troupeaux sont redescendus dans la vallée.
     
    Dans les alpages, ça n'est pas beaucoup mieux. Seules les petits troupeaux de la vallée montent en été. Nous parcourons des pâturages vides. Les bêtes ont été rentrées il y a une semaine. 
    Nous observons de nombreux ruchers, certains placés dans les villages mêmes, parfois sur les balcons des maisons. Dans certaines vallées, ils sont à l'écart mais dans de petits lopins de terre barricadés et comportant toujours une petite cahute. Les combinaisons d'apiculteur sont soigneusement disposés comme épouvantail, des CD et des plastiques de toutes les couleurs sont disposées sur les clôtures ou sur les cabanes.
    Nous apprenons qu'il s'agit d'une stratégie pour se protéger de l'ours, très présent dans la région (nous observons de nombreuses crottes sur les sentiers). Impossible, de laisser des ruchers éloignés de la présence humaine. Les cahutes sont utilisées comme lieu de surveillance. On s'y rend pour boire le thé et pour y dormir.
    Tant d'efforts mérite une bonne rétribution et en effet, la production locale de miel est, nous dit-on, particulièrement réputée (en tout cas délicieuse). Le kilogramme se vend jusqu' à 45 euros de kilo! Dans certains villages, chaque famille possède des ruches, y compris les personnes les plus aisées, comme les propriétaires d'hôtels. Certains en possèdent jusqu'à 50. L'hiver, les ruchers sont descendus en terres plus chaudes, à Yusufeli.
     
    Les ruches sont bien protégées, les ours ne sont pas loin!
     
     
    Chroniques de la vie kurde
    Trésors de la vallée de Bahçesaray
     
     
    De Yusufeli, nous rejoignons en bus, la ville de Van, célèbre pour le lac du même nom qui la borde. Le paysage change rapidement en s'éloignant des Monts Kaçkar. Les hauts sommets et profondes vallées font place aux plateaux anatoliens steppiques. Immenses espaces où nous voyons de plus en plus de troupeaux de vache et brebis.
    L'accueil est chaleureux. Le chauffeur de bus nous offre le thé et le déjeuner. A Van, toujours impossible de payer son thé tout comme la connexion internet. Les kurdes affirment leur identité et en sont fiers. On nous apprend les rudiments de la langue kurde et l'on nous offre une tresse aux couleurs locales (vert, jaune, rouge). L'Anatolie de l'Est, à population très majoritairement kurde est une poudrière dans certaines régions : Tunceli et Hakkari sont tristement réputées pour les affrontements violents et parfois sanglants qui s'y déroulent périodiquement. Mieux vaut se renseigner auprès de la population pour savoir où il ne faut pas se rendre... 
    C'est une fois à Bahçesaray, petite ville située au Sud du lac de Van, que l'on se rend compte de l'ampleur des évènements. Alors que l'ambiance y est calme, nous apprenons que le contexte en pays kurde semble se détériorer depuis quelques mois : manifestations, attentats, prises d'otages...
     
    Bahçesaray est un petit centre administratif, point névralgique de plusieurs vallées, où se trouvent de nombreux villages de montagne. Nous franchissons le col routier le plus haut de Turquie à près de 3000 mètres d'altitude. Fermé l'hiver, parfois durant 6 mois, il isole la vallée du reste de la Turquie pendant la mauvaise saison. 
    Nous y rencontrons à notre arrivée des enseignants qui se retrouvent le week end dans le jardin de thé qui longe le torrent. Ces enseignants sont turques et jeunes. Du fait de l'isolement et du manque d'animation de la petite ville, aucun enseignant ne souhaite y resté. Ce sont donc les jeunes diplômés qui y sont envoyés pour effecteur leurs 3 premières années. Nous y faisons la connaissance de Mohamed et Mohamed, l'un est kurde (de retour d'Istanbul où il a effectué ses études) et l'autre est enseignant turque. Tous deux nous invite chez eux, l'embarras du choix. Nous décidons de passer notre première soirée dans la famille kurde puis la seconde chez l'enseignant. Pendant notre discussion, un char blindé de l'armée, circule en plein centre ville.
     
    Nous expliquons à Mohamed (kurde) notre voyage et nous lui demandons si nous pouvons rencontrer un berger. Pas de problèmes! Quelques minutes plus tard, son cousin nous emmène en minibus sur un alpage proche de Bahçesaray. Nous y rencontrons deux bergers en train de terminer leur déjeuner. Le troupeau composé de brebis et de chèvres chôme. Aux côtés des bergers veille un grand chien blanc au collier de fer aux pointes acérées pour se protéger du loup, bien présent dans ces montagnes. Il s'agit d'un berger d'Anatolie. Les animaux ont été traits ce matin par les femmes et les seaux sèchent au soleil. Malheureusement, ni le chauffeur, ni les bergers ne parlent anglais. 

    Femme kurde.

    De retour au jardin de thé, nous rencontrons le chef de la police locale qui nous invite à sa table pour prendre le thé. S'en suit une discussion incroyable. Cet homme est surpris de voir des touristes et nous demande ce que nous faisons ici. Nous lui expliquons que cette idée nous est venue par un guide sur la turquie qui conseille de se rendre dans la région. Sa réponse est fulgurante :"il faudrait brûler ce guide. Qui a écrit ça?" Il nous parle de kidnapping et nous annonce que la route est dangereuse, surtout la nuit. Les actifs du PKK (Parti des travailleurs Kurdes militant pour l'autonomie du Kurdistan) se cachent dans la montagne. Il rajoute : "de toutes façons, si vous vous faites kidnapper, 1 ou 2 jours de balade en montagne, et ils vous relâcheront car vous êtes des français et votre pays aide le PKK".
    La suite du dialogue porte sur la politique  (terrorisme kurde), culture française et turque... L'homme est désagréable, hautain et méprisant parfois. Au final, ces propos nous ont que peu effrayé. Nous avions eu le temps de discuter auparavant avec turques et kurdes qui nous avaient clairement déclaré que la région était sûre. Alors, risques sérieux ou volonté d'effrayer les touristes qui viennent rencontrer une population locale qui en a long à raconter sur les sévices passées de l'état turque?
    Nous apprenons que l'identité kurde fut niée par l'état turque pendant de nombreuses années. La langue kurde fut interdite : à l'école bien sûr, mais aussi chants et livres... Nous avons entendu des choses abominables qui se sont déroulées dans cette région. Il ne s'agit pas ici d'en faire la liste et nous préférons vous relater nos rencontres paysannes. Toutefois, les kurdes semblent obtenir depuis quelques années de nouveaux espaces pour s'exprimer, en témoigne une télé kurde récemment créée.
     
    Dans les rues de Bahçesaray, un homme nous accoste en blaguant : " alors, vous avez la carte qui situe l'or des arméniens?". La légende est présente dans toute l'ancienne Arménie qui s'étendait alors jusqu'ici. On dit que les arméniens étaient forts riches et ingénieux. Ils avaient construits de superbes villages, de grands canaux d'irrigation et des églises très anciennes qui ont su résister à l'épreuve du temps jusqu'à aujourd'hui. Et l'on raconte qu'en partant (à la suite de la première guerre mondiale), ils ont enterré leur or. Ainsi, les tombes arméniennes et les églises sont souvent fouillées. Plus tard dans notre séjour, nous croiserons même un homme pelle et pioche à l'épaule, creusant près d'une église en ruines!
     
    Mohamed nous emmène dans son village, Kasr (en kurde) et Kösk en turc nous précise-t-il. Il refuse tous présents en guise de remerciements. Nous sommes accueillis à bras ouverts. Le dîner est excellent. Nous découvrons et dégustons une cuisine raffinée : poivrons et oignons farcis au riz accompagnés d'une sauce au yaourt et à l'ail, soupe au lait agrémentée d'herbes aromatiques, légumes frais du jardin (tomates, poivrons), fromage de brebis aux herbes accompagné de miel (mode de consommation très courant dans la région). 
    Notre hôte nous explique l'élevage local. Les vaches du village sont gardées la journée par un berger. Elles passent la nuit dans leur étable respective où les femmes viennent traire matin et soir. Les brebis et les chèvres ne rentrent pas au village, les femmes se rendent à l'alpage pour la traite. Elles ramènent le lait et le transforme en yaourt ou en fromage. Le fromage de brebis (plus apprécié) est conservé pour l'hiver dans des bidons en plastique, enterrés dans la terre, souvent dans la cave. Il est assaisonnée d'herbes aromatiques (généralement estragon, thym et menthe). Les kurdes en raffolent et on les comprend. Il est présent à tous les repas et la famille exilée à Istanbul en commande plusieurs dizaines de kilos chaque année nous dit-on.
     
    Le formage de brebis, assaisonné aux herbes, est conservé sous terre dans un bidon en plastique.
     
    Mohamed nous apprend que la vallée connaît de profonds changements depuis une vingtaine d'année. Le réseau routier s'étend et s'améliore. L'électricité est arrivé ici il y a 20 ans. L'accès à l'éducation devient une priorité pour les nouvelles générations (y compris pour les femmes). Les familles toujours aussi nombreuses (souvent une dizaine d'enfants) tendent à diminuer.
     
    Mohamed nous raconte plusieurs histoires pour nous expliquer la vie dans sa vallée, il y a encore une trentaine d'années. La suivante a été vécue par son oncle lui-même, photographe journaliste avec qui nous avons partagé la soirée. Alors qu'il se promenait, il croisa un homme avec un enfant mort sur son dos et une poule dans le bras. Il interpella l'homme et lui demanda ce qu'il faisait ainsi : "Mon fils est malade. Je l'emmène à l'hôpital mais je n'ai pas de quoi payer. Alors je vais vendre ma poule." L'oncle de Mohamed était stupéfait. Il prit une photo qui fut présentée à des parlementaires turques et fit, selon Mohamed, scandale. 
     
    La seconde histoire est heureusement un peu plus joyeuse. Un homme de 50 ans était tombé amoureux d'une jeune fille de 17 ans. Il la demanda en mariage. Les parents refusèrent du fait de la grande différence d'âge. La jeune fille était, elle, d'accord. Le vieil homme lui plaisait. Elle en expliqua quelques années plus tard la raison. Elle ne savait pas que le monde était si grand. Elle n'était jamais sorti de son village.
     
    Le jour suivant, le petit déjeuner est encore un festival pour les papilles : omelette farinée au miel, beurre de yaourt (obtenu à partir de yaourt comme le nom l'indique), fromages, tomates, concombres, olives, confiture de fraise maison, miel du village. Le miel est consommé, comme dans toute la Turquie, avec la cire. On dit que c'est meilleur. De notre propre expérience, ça n'en altère pas le goût et la présentation comme tout droit sorti de la ruche est plutôt alléchante.
     
    La table du petit déjeuner....
     
    Nous quittons la maison pour nous rendre chez un autre de ses oncles. En partant, la tante de Mohamed nous offre des fruits secs : noix, noisettes et poires séchées (sur la terrasse au soleil, tout simplement). Un régal!
    En route nous découvrons d'immenses vergers de pommes et poires. C'est l'époque de la cueillette et l'année est bonne. Mohamed nous explique que son village est réputé pour ses pommes dans toute la vallée. Chez son oncle (l'autre), nous sommes encore une fois accueillis comme des rois : grand bol de café au lait, plateau de fruits (pommes et raisins), alors que nous venons de petit déjeuner. Nous découvrons un immense potager : navets, courges, poivrons, aubergine, tomates, maïs, haricots, radis, choux... Sa tante en revend une partie. 
     
    A pied entre les villages avec la famille de Mohamed
     
    Mohamed nous mène ensuite chez l'enseignant, à l'école. Nous sommes dimanche aujourd'hui mais il travaille à l'internat. Mohamed (l'enseignant, vous suivez toujours?) nous fait visiter l'école et l'internat. Il nous explique que beaucoup de parents choisissent de confier leurs enfants à l'internat, gratuit. Les familles sont parfois très pauvres.
    Il nous raconte la longue saison d'hiver. "Lorsque les enfants sont obligés de rentrer chez eux, nous nous assurons qu'ils sont bien arrivés en appelant leur parent. La neige est abondante et fait descendre les loups."
    Dans l'école, de nombreux portraits d'Atatürk, le père de la République Turque.   


    A l'école de Bahçesaray, les journées commencent par le chant de l'hymne turque. 

    L'après midi, nous nous promenons au village d'Elmayaka. Beaucoup d'enfants parfois accompagnés de leur parents sont en train de cueillir les noix, gaule à la main. On nous gave de ces fruits d'automne.
     
    Tout le monde participe au ramassage des noix dans le village
     
    Nous passons la nuit chez Mohamed (l'enseignant). Le lendemain, nous repartons pour Van. 3 heures d'attente à Bahçesaray, pour que le minibus se remplisse, occupées par de nombreux thés et nouvelles rencontres.
    Nous ne sommes pas prêts d'oublier cette étape.
     

    Chroniques de la vie kurde
    En famille, chez Hakim
      

    Sur la carte, la caldeira du Mont Nemrut s'aperçoit en un coup d'oeil. 

    L'étape suivante se situe à Serinbaya, petit village kurde situé sur les hauteurs du lac de Van, plus précisément sur un des flancs du volcan éteint du Mont Nemrut. Nous avons atterri ici par un enchaînement de circonstances que seul le voyage à l'improviste peut réserver. A Van nous rencontrons une française (Siham) qui loge en couchsurfing chez un guide de montagne. Ce guide de montagne connaît un autre guide, Hakim, qui travaille dans la région du Mont Nemrut. C'est exactement là où nous souhaitons nous rendre. Accompagnée de Siham, nous nous rendons au volcan où nous rencontrons Hakim, qui nous emmène dans sa famille, au village de Serinbaya. Et voilà, c'est reparti pour 3 jours de rencontres et découvertes!
     
    Hakim et sa famille sont accueillants et sympathiques. Hakim a 13 frères et soeurs. Son père a commencé à accueillir des touristes il y 29 ans, les emmenant en excursion au volcan et les accueillant dans sa maison. Aujourd'hui, Hakim a repris et développé l'affaire. Il organise des excursions dans toute la Turquie. Ses autres frères et soeurs connaissent différentes situations : étudiants, établis à Istanbul, marié au village...
    Nous faisons la connaissance de Michael, son frère, qui tient un hammam à la proche ville de Tatvan. Une de ses soeurs vit encore à la maison. Extravertie, elle blague toujours. En ce moment, elle est employée pour ramasser des pommes de terre. 

    Superbes couleurs d'automne au bord du lac du Mont Nemrut. 

    L'après midi, Michael nous emmène visiter l'église arménienne, au dessus du village. En ruines, elle subit encore les assauts des chercheurs d'or. Michael nous explique l'agriculture de sa famille et de son village. Ses parents possèdent 40 moutons, 20 chèvres, 3 vaches et un taureau. Sa mère fait le fromage, dont elle vend une partie à des marchands de Tatvan. L'été, les bêtes du village sont rassemblés en plusieurs troupeaux et sont menées tous les jours à l'alpage. Les vaches dorment à l'étable et les brebis reviennent une à deux fois par jours au dessus du village pour la traite. La mère de Michael trait à la main ses 60 brebis et chèvres en 1 heure. 

    Les bergers ne sont pas payés. Ils sont nourris par l'ensemble des familles du village, durant l'estive. Auparavant, les familles possédaient beaucoup plus de bêtes. Elles passaient l'été dans le cratère du volcan. Mais aujourd'hui, les troupeaux ont beaucoup diminués et cette pratique a été abandonné il y a une vingtaine d'années. Le lait ne paye pas et on préfère travailler dans le "BTP", dans les villes proches. 


    Mickaël vous invite.

    De retour de notre balade, nous découvrons la mère de Michael surveillant une grande marmite sur un feu de bois, à l'extérieur de la maison. A l'intérieur de cette marmite, du lait de chèvre et brebis qu 'elle fait bouillir avant de l'ensemencer avec un yaourt et de faire reposer jusqu'au lendemain matin, où nous pourrons manger ... du yaourt.
     
    La mère de Michael et Hakim s'affaire à la traite du matin.
     
    Ici, on se chauffe au charbon mais la végétation buissonnante des alentours sert aussi à la cuisine et au démarrage du feu. On utilise aussi les déjections animales. En effet, peu de bois dans les alentours, hormis dans le cratère, mais l'administration forestière en a interdit le prélèvement. L'hiver, on donne aux bêtes du foin et les résidus du battage du blé. Elles sont nourries deux fois par jour, dehors, car les bergeries sont trop petites. Le foin est étalé à même la neige, prélevé dans les immenses pyramides qui parsèment le village. 
     
    Après la traite, les vaches du village sont conduites par le berger sur le volcan et reviennent le soir. 
     
    Le blé dur est la principale culture. Des pommes de terre étaient aussi cultivées auparavant mais le manque d'eau des dernières années a fait disparaître cette culture. Sur les berges du lac du Van, plus bas, on trouve d'immenses champs de patates ainsi que des betteraves à sucre. 
    Nous passons les deux jours suivants à parcourir, tous deux, le volcan éteint. Le paysage est fabuleux : un immense cratère occupé pour quasiment la moitié par un lac d'un bleu profond... Les images parlent d'elles même. 
     
    Vue sur le cratère depuis le sommet du Mont Nemrut.


    Le cratère du Mont Nemrut, la sensation d'être arrivé sur une autre planète, un condensé de paysages désertique, forestier, montagneux et lacustre, ou plutôt maritimes, où même certaines mouettes y ont trouvé leur mer.

    Nous rencontrons 4 bergers kurdes accompagnés de 2 femmes. Il est 13h00 et nous sommes invités à déjeuner avec eux. Nous avons déjà mangé mais impossible d'échapper à l'invitation. Nous leur offrons nos raisins secs et un paquet de gâteaux. Nous communiquons essentiellement par mimes. Ils sont en train de plier le campement de tentes et de charger les ânes. Il va leur falloir 5 jours pour rentrer chez eux, près de la ville de Batman. Nous leur présentons des photos de France : "oh, güzel!" (traduction : "c'est beau!"). Ils nous demandent s'ils peuvent en garder chacun une. C'est avec plaisir que nous leur donnons.
     
    Les bergers kurdes sont surpris par la verdure des alpages français.
     
    Nous goûtons leur fromage de brebis : délicieux! Les restes du repas sont donnés aux 7 bergers d'Anatolie. Nous découvrons en nous relevant que nous étions assis sur la gore tex du berger kurde. Une veste en feutre aux épaules relevées en pointe, le tout doublé à l'extérieur d'une bâche. Multi usage : on peut dormir dessus, dedans, s'y asseoir...


    Moment magique de ce voyage avec les bergers kurdes du Mont Nemrut.
    La compréhension n'est pas toujours aisée mais peu importe, la joie partagée d'une rencontre imprévue au milieu de nul part suffit à savourer l'instant présent. Le sentiment d'une expérience universelle de fraternité autour d'un thé et d'un repas.

    Le mauvais temps approche et il nous faut retourner au village avant la nuit, où nous attend notre famille d'accueil et une surprise. Nous refusons l'invitation à rester (à regrets!) et repartons chargés de cadeaux : une bouteille de lait fraîchement tirée, du fromage et du pain!
     
    La gore-tex kurde.
     
    Arrivés au village, c'est un mariage qui nous attend. C'est la première soirée d'une série de trois. La fête démarre dès vendredi soir pour finir en apothéose le dimanche soir. Nous participons donc à l'échauffement : musique et danse, sous deux chapiteaux montés pour l'occasion. Un groupe joue de la musique kurde, particulièrement dansante. Femmes et hommes sont séparés (chacun son chapiteau) mais Perrine est invitée sous la tente des hommes. Nous sommes immédiatement conviés à une danse. On se tient le petit doigt et on mouline tout en faisant des pas : en avant, sur le côté, en arrière... Nous dénotons un peu avec nos habits de montagne et nos sandales! Tout le monde participe à la danse, toutes générations confondues. Les pauses sont l'occasion de boire du thé. Une belle manière de clôturer notre passage chez les kurdes!


    Aperçu de la musique du mariage. ça swingue! (désolé pour la mauvaise qualité de son)

    En attendant "la danse des petits doigts" dans le chapiteau du mariage.
     
     
    Plantes d'Anatolie centrale
      

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    Tahsin Tasürek nous fait visiter les serres à plantes aromatiques. 

    Sur la route pour Istanbul, nous effectuons une pause de 2 jours dans la région de Sivas. Un ami franco-turque, Axel, nous a conseillé de visiter le centre de conservation et amélioration des plantes fourragères montagneuses d'Anatolie, rattachée à une unité de recherche du ministère de l'agriculture turque. Nous y rencontrons le responsable, Tahsin Tasürek. Il nous explique son travail. Sélectionner et améliorer diverses plantes pour augmenter leur potentiel fourrager, leur vertu thérapeuthique et leur pouvoir épurateur des sols. Des objectifs beaucoup plus larges que l'intitulé de son centre de recherche.


    "Medicin plant"

    Sa soeur, Dilberte, nous invite à venir dormir dans sa maison, au village de Sirialan. Nous y retrouvons son mari Mustapha. Tous deux à la retraite, ils ont décidé de quitter la capitale Ankara pour venir s'installer à la campagne. Ils ont développé une petite activité agricole : la culture de l'Origan en mode Biologique. Pendant un jour, nous avons été accueillis aux petits soins. Dilberte et Mustapha nous ont fait découvrir leur village et ses habitants : rencontre d'un berger transhumant, balades en montagnes et visite de la tombe du très celebre barde turque Asik Veysel*...


    Au village de Sivrialan, Mustapha et Dilberte nous mène à la rencontre d'un berger. Un de leurs amis nous accompagne. Il a vécu en France et joue le rôle d'interpète pour cette rencontre. Nous y apprenons le fonctionnement de l'alpage, la vocation laitière du troupeau et les déboires avec le loup.


    Le berger


    Mustapha fredonne dans sa voiture.


    A Sivrialan, Mustapha et Dilberte nous font découvrir leur jardin sauvage. Ils semblent connaître chaque buisson porteur de délicieuses baies comestibles. Avec certaines, ils font de la confiture. "Bon appétit!"


    Perrine et Mustapha admire le paysage du village de Sirialan. 

    La population de Sirialan se multiplie en été. De nombreux retraités reviennent aux sources pour la belle saison. Seules 25 personnes passent l'hiver ici, dont Dilberte et Mustapha. 
    Nous repartons pour Istanbul chargés d'un sac rempli de victuailles : gâteaux aux noix, pain, tomates et un gros paquet d'origan.
     
    Merci beaucoup Dilberte et Mustapha, kurdes, turques et autres habitants d'Anatolie!
     


    Entre Asie et Europe, les bateaux transportent quotidiennent des milliers de personnes, le Bosphore comme trait d'union. A Istanbul, on ne sait parfois plus trop où l'on est. Alors que la culture occidentale semble omniprésente, le chant du muezin rappelle les profondes origines de la société turque.

     
    Fabien
     

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